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Distribution

Richard Vainopoulos, président de Tourcom : « Un tour-opérateur sans un réseau, il est mort »

Sa parole se fait rare mais, pour autant, Richard Vainpoulos, président de Tourcom, a des choses à dire. Toujours aussi passionné par la vie de la profession, il nous a livré ses analyses sur les échéances à venir, la surtaxe GDS et l'application de la directive des voyages à forfait, sans oublier de nous parler de la stratégie qu'il met en place pour son réseau. Elle passe par des alliances européennes et, toujours, le développement de Tourcom Réceptifs. Optimiste, il note aussi que l'élection d'Emmanuel Macron a "rassuré les marchés", ce qui participe à la reprise.

 
Pouvez-vous nous dresser un état des lieux du réseau Tourcom ?
Tourcom totalise 1 078 points de vente. En 2017, nous avons enregistré 327 adhésions, 22 refus, 37 radiations et 15 suspensions. Nous intégrons dans notre périmètre 120 agences étrangères, essentiellement belges et luxembourgeoises, qui achètent des produits Tourcom comme n’importe quelle agence française. Et puis il y a des agences hollandaises et bientôt allemandes qui achètent nos produits réceptifs et utilisent notre centrale de paiement. Je précise que de très gros réseaux sont rentrés chez nous l’an dernier, mais ils ne souhaitent pas apparaître sur notre portail. Simplement parce qu’ils sont très connus, ont des marchés nationaux et/ ou sont cotés en Bourse. Ils sont surtout attirés par notre produit réceptif.
 
Quel est votre volume d’affaires ?
En 2017, nous avons réalisé un volume d’affaires de 2,7 milliards d'euros dont 1,7 milliard pour Tourcom Affaires (Tourcom Travel Management, TTM). Nous étions à 2,5 Md€ en 2016. La partie business représente 65% contre 35% pour la partie loisir. Cela reste stable.
 
Vous recevez toujours une demande importante pour les produits sur-mesure ?
Oui, nous avons réalisé 47 millions d’euros de volume d’affaires en sur-mesure en 2017. Ce n’est pas beaucoup sur le volume d’activité total. Mais l’intérêt c’est que les agents de voyages tirent en moyenne des marges de 22% à 23% sur ces produits, contre 10% à 13% pour ceux qui passent par un tour-opérateur. Le sur-mesure est un marché particulier. Aujourd’hui pour un TO ce n’est pas rentable car cela prend trop de temps d’être positionné sur ce créneau. Nous avons des réceptifs dans 86 pays. On pourrait intégrer d’autres destinations, comme la Tunisie ou l’Egypte, mais je considère qu’elles ne sont pas sécurisées donc on ne les prend pas.
 
Cela veut dire que la Tunisie ou l’Egypte n’ont toujours pas redémarré ?
A la différence du Maroc qui repart bien, l’Egypte et la Tunisie souffrent encore. Les gens sont frileux pour partir en vacances dans ces pays. La sécurité, notamment en Egypte, n’est pas assurée. J’espère que cela va revenir. J’observe d’ailleurs que l’Egypte est devenue une destination balnéaire et non plus culturelle. Concernant la Tunisie, il y a une clientèle difficile à récupérer. Pour les tour-opérateurs, c’est une destination qui manque. Un manque à gagner considérable. Plus d’ailleurs pour les TO que pour les agences car finalement la marge sur une destination bon marché n’est pas très importante.
 
En termes de destinations, quelles sont les tendances qui se dégagent pour ces prochains mois ?
Pour la saison hiver, l’Afrique du Sud reste une valeur sûre. Le Zimbabwe reprend un peu. La Namibie aussi. Tout ce qui concerne l’Afrique australe est demandé. Le Kenya repart un petit peu. L’Indonésie avec Bali marche bien. Idem pour l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale. Enfin Cuba attire de plus en plus de monde. Concernant les Etats-Unis, il n’y a pas eu de chute liée à l’élection de Donald Trump. Selon moi, il existe deux saisons, l’hiver qui va du mois octobre au mois de juin, avec des couples qui voyagent. Ce sont de beaux budgets. Et puis il y a l’été avec des budgets maîtrisés parce qu’on voyage en famille. Ce n’est plus la période où on gagne notre vie comme à une certaine époque.
 
La France reste la première destination touristique mondiale. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
J’aimerais bien qu’on fasse la différence entre le nombre de visiteurs et les recettes. Car ce sont les recettes qui comptent. Quand on dit qu’il y a 89 millions de visiteurs en France, ils ne sont en réalité que 57 millions. Car il ne faut pas comptabiliser ceux qui viennent du nord de l’Europe et traversent la France pour se rendre en Espagne ou au Portugal. C’est comme se rendre à un kiosque à journaux, demander sa direction et au final ne pas acheter de journaux. Ou avoir sur Internet un nombre de clics qui ne correspond pas au nombre d’achats. Il ne faut pas se leurrer, les Etats-Unis sont largement devant nous au niveau des recettes. Et c’est ce qui compte. Nous, nous sommes en cinquième position derrière les Etats-Unis, l’Espagne, Hongkong et la Thaïlande.
 
Comment, alors, améliorer les recettes touristiques ?
Il y a d’abord un problème d’hébergement. A Paris ou dans les grandes villes, ça va; dans les plus petites villes de province, c’est plus compliqué. Souvent un 4* pour un étranger correspond à un 3*. Lorsque des Américains, des Suisses ou des Allemands viennent sur un 4* en France, ils sont très surpris. Ensuite, à la différence des États-Unis ou même de l’Espagne, le coût de la vie est très élevé en France. Pour un touriste, cela fait un budget qu’il faut prévoir, sinon il ne dépense pas.
 
La France n’est pas bien vendue. La communication d’un pays en guerre comme Israël est à prendre en exemple, ça attire. La communication des Etats-Unis alors qu’ils n’ont pas d’office de tourisme réel, ça attire. Ils ont des événements, des opérations. Ce qui n’est pas le cas en France. Le dernier grand évènement en date, c’est le bicentenaire de la Révolution en 1989. Cela avait attiré beaucoup de monde. Parce qu’on a les plus beaux monuments, les plus beaux paysages, on vit trop sur nos acquis et pas sur la création d’évènements commerciaux. Prenons l’exemple du premier monument français, la tour Eiffel. Pour un groupe avec un guide il y a de la place pour y monter. Un particulier, lui, doit attendre plusieurs mois pour accéder au deuxième étage. Les gens ne rêvent que d’une chose, monter au sommet de la tour Eiffel mais on les empêche de le faire. Une grande partie des monuments français, c’est compliqué d’y accéder. Enfin, il faut vraiment améliorer le service, c’est la base. Nous sommes trop arrogants.
 
 
Il n’y a pas non plus d’impulsion politique ?
Il faut un vrai secrétariat au Tourisme qui ait les moyens de travailler. Et non pas des décisions qui soient partagées entre Bercy et le ministère des Affaires Etrangères.
 
 
Envisagez-vous à nouveau la tenue d’une convention annuelle ?
Non. Les grandes messes, c’est terminé. D’abord le retour presse n’est pas terrible. Avec Internet, cela ne fait plus que quelques lignes. Et encore, on ne retient que la mauvaise phrase. Nous limitions notre convention à 250 adhérents. Nous avions 115 à 120 agences. Le reste, c’était les fournisseurs. C’était quasiment toujours les mêmes personnes et le message ne passait pas aux vendeurs. Or le vendeur, c’est l’âme d’une agence.
 
Aujourd’hui nous organisons deux workshops par an : un sur le sur-mesure la veille d’IFTM Top Resa en septembre, un autre sur le voyage d’affaires qui se tient en mars-avril. Nous rencontrons entre 300 et 350 personnes agents de voyages avec qui nous échangeons. Par ailleurs, mon service commercial et moi-même nous déplaçons beaucoup en province pour discuter avec les vendeurs. Moi, le premier, et ça permet de remonter un tas d’informations qu’on n’a pas dans les conventions parce que nous ne sommes pas disponibles. Ce n’est pas une question financière car, les congrès, c’est ce qu’il y a de plus rentable.
 
 
Vous êtes associé avec Avitour et RTK. Quel est l’apport de cette alliance ?
Près de la moitié des agences Avitour (Belgique) sont Tourcom. Elles achètent du Tourcom. Plus ces agences font du volume d’affaires chez nous, plus les négociations avec les fournisseurs sont meilleures. Avec RTK (Allemagne), c’est un peu différent car cela concerne davantage le sur-mesure. Il y a 250 agences Avitour et peu plus de 4 000 points de vente RTK répartis sur dix pays, le plus gros étant l’Allemagne. Cela représente un volume d’affaires de 8 MdE. Sur RTK, nous avons des produits comme Flixbus, des loueurs de voitures, et bien sûr Cockpit Aerticket. Tout cela nous permet d’avoir des exclusivités que les autres n’ont pas.
 
 
Vous parlez de Cockpit Aerticket comme d’une aide efficace aux agences de voyages ?
Nous nous sommes associés à 50/50 avec le groupe Aerticket AG, le plus important revendeur de billets d’avion en Allemagne, pour créer Cockpit-Aerticket France. Il s’agit du concurrent de MisterFly. Sauf que Cockpit-Aerticket est plus transparent et possède des avantages que MisterFly n’a pas. Et nous sommes 100% BtoB. Nous commençons d’ailleurs à travailler avec des agences qui ne sont pas membres du réseau Tourcom. Des comités d’entreprise achètent également chez nous. Et nous avons intégré le programme de fidélité de Miles Attack. Nous vendons des billets d’avion, mais également du train, de l’hôtel et de la location de voiture. Nous avons signé un partenariat exclusif avec April International Voyages. Nous permettons ainsi aux agents de voyages d’assurer leurs clients pour les vols secs.
 
 
Comment appréhendez-vous la nouvelle norme NDC ?
Via les compagnies aériennes, il y a une volonté d'Iata d’imposer un système parce que Amadeus leur coûte cher. C’est vrai, le montant demandé par le GDS est excessivement cher. Par contre, je ne comprends pas que les compagnies aériennes imposent une norme NDC dans laquelle elles vont dépenser des milliards d’euros. Le problème avec NDC c’est qu’on revient 20 ans en arrière. On ne peut pas travailler avec un moteur qui nous dit 'moi je vais travailler avec Air France, le reste il faut voir ailleurs'. Le fait de prendre 11 euros ou 16 euros, pour les très grandes entreprises, cela va être négocié, alors que cela ne le sera pas pour les petites et moyennes entreprises. Cela concerne surtout les agences qui font beaucoup de billetterie affaires, tout cela est en cours de négociation. Amadeus, Air France et les autres compagnies aériennes ont tout intérêt à trouver un terrain d’entente.
 
Le chiffre d’affaires réalisé par les GDS avec les agences de voyages sur ce système-là, c’est très peu. Par contre la rentabilité est colossale. Et comme Amadeus tient toutes les compagnies aériennes par leur comptabilité et leur gestion des stocks, à un moment donné ils sont obligés d’avoir un accord particulier. Je ne vois pas les compagnies investir des années et des années durant sur la norme NDC.
 
Sur NDC, Manor et Tourcom travaillent ensemble. On va trouver sans problème des terrains d’entente avec les compagnies aériennes en faveur de nos agences. Le problème n’est pas du côté des compagnies aériennes mais du côté de Iata. L’instance jouit d’une position monopolistique et prend des décisions unilatérales qui ne correspondent pas à la directive européenne. En France, ils ont imposé le paiement bimensuel du BSP. C’est une rupture de contrat. Iata est dans une position de monopole interdite par l’Europe aujourd’hui. Avec d’autres réseaux qui le souhaitent, nous allons lancer une procédure contre Iata pour tous les abus dont ils font preuve.
 
C’est aussi le rôle des Entreprises du Voyage d’intervenir ?
EDV par la voix de son président n’a pas abordé tous les problèmes mais a simplement demandé lors d’une réunion le 15 novembre dernier un report de la mise en œuvre de la norme NDC. Je ne suis pas contre. De toute façon au 1er avril cela ne sera jamais prêt. Mais ce n’est pas ce qu’il fallait faire. Il fallait aller au-delà et voir comment empêcher l’abus de position dominante de Iata et des compagnies aériennes. On ne peut plus accepter qu’une compagnie dépose le bilan et que l’agent de voyages ne soit pas assuré. Si demain le pétrole augmente, cela va encore mettre à mal la trésorerie des compagnies aériennes.
 
La nouvelle directive européenne sur les voyages à forfait doit entrer en vigueur le 1er juillet prochain. Y êtes-vous favorable ?
Pendant près de 15 ans, je suis intervenu auprès de l’Union européenne pour demander la triple responsabilité entre l’agence de voyages, le tour-opérateur et la compagnie aérienne, ces dernières étant responsables de près de 30% des litiges. Toutes les instances dirigeantes, APST en tête, ont toujours refusé. Avec la nouvelle loi, il y a une double responsabilité, qui sera partagée entre le distributeur et le producteur. Autrement dit, le client attaque l’agence de voyages, mais peut aussi attaquer le TO, ce qui n’était pas possible auparavant. On responsabilise donc le producteur.
 
Le gouvernement français a toujours suivi les dispositions des instances professionnelles qui sont restées bloquées sur la traçabilité du vendeur. Si la profession avait dit ok pour la triple responsabilité, le gouvernement français aurait dit ok. Cela aurait arrangé tout le monde. Le TO sert de tampon. Quand il y a un problème de retard d’avion, la grande majorité des TO ne peut pas se retourner contre la compagnie aérienne. Si elle le fait, la compagnie rembourse mais dit à l’agence ou au TO: "maintenant c’est fini les tarifs négociés". Du coup beaucoup de TO préfèrent ne rien dire et payer de leur poche. Et ça, ce n’est pas normal.
 
Toutes ces lois aujourd’hui ne font que protéger le consommateur mais protègent indirectement l’agent de voyages, les intermédiaires. A partir du moment où l’agent de voyages respecte la loi, remplit correctement les documents, il n’est plus embêté. Il y a un médiateur qui a été nommé et il donne toujours raison à 98% à l’agent de voyages. Des litiges, il n’y en a pas tant que cela. Nous, on tourne autour de 220 à 250 dossiers dont 5 ou 6 seulement finissent devant les tribunaux. Les agents de voyages sont de mieux en mieux informés et nous les formons aussi. L’agent de voyages est de mieux en mieux protégé à condition qu’il remplisse ses documents.
 
Aujourd’hui la distribution semble incontournable ?
Absolument. Dans des pays comme l’Allemagne et l’Angleterre, 35% de la clientèle voyagent à l’étranger et achètent via une agence de voyages. En France, 20% de clients se rendent dans une agence de voyages mais seulement 13% achètent vraiment des produits touristiques. Donc pour un tour-opérateur, maîtriser cette clientèle, c’est très compliqué. En Allemagne, on va avoir quatre destinations pendant 20 ans qui vont durer. En France, à part peut-être la Tunisie, il y a des effets de mode: un jour c’est Cuba, puis il y a une superbe émission sur Oman, et hop tout le monde va à Oman. Conséquence : le TO de masse a du mal à gérer tout cela. Dans le même temps, les agents de voyages ne demandent qu’une chose : avoir du réceptif. Ce qui est sûr, c’est que le on-line pur n’a jamais marché et ne marche toujours pas. Si ça fonctionnait, il y aurait des tonnes d’acteurs. Aujourd’hui, il n’y en a que trois ou quatre.
 
C’est important d’être affilié à un réseau ?
Quand on est dans un réseau, qu’il soit bon ou mauvais, des informations sont données, on a un accès à des produits mutualisés. Le problème de l’un est le problème de l’autre. Il existe une forme d’entraide. On apporte des solutions. Après, les gens qui disent qu’on s’enrichit, non, il y a de la bonne et de la mauvaise gestion. On ne prend pas d’argent aux agents de voyages, simplement une adhésion de 1 500 euros par an. Ce sont les fournisseurs qui nous paient en fonction du chiffre mais pas sur l’agent de voyages. On peut dire que les réseaux coûtent cher, mais un tour-opérateur sans un réseau, il est mort.
 
Que pensez-vous du président de Selectour ?
Laurent Abitbol, c’est 50% Selectour, 50% ses entreprises. Il n’y a plus que 800 agences Selectour, le reste c’est Laurent Abitbol. Si demain, il s’en va, cela peut constituer un problème. Donc il n’y a pas de créativité, et sans créativité tu n’avances pas.  Laurent Abitbol ne parle pas des problèmes des agences de voyages. Iata, la norme NDC, il ne réagit pas dessus. Et c’est là-dessus qu’il faut travailler. Aujourd’hui, un responsable de réseau est là pour défendre les intérêts de ses membres. Chez Selectour, je n’ai pas l’impression. Il y a une guerre intestine pour être le chef mais en attendant le réseau ne peut pas évoluer. Ce n’est pas bon.
 
Vos relations avec l’APST sont-elles enfin apaisées ?
Avec Alix Philipon, la présidente, il n’y a aucun problème; avec le secrétaire général, pas franchement. Et Raoul Nabet (l’ancien président), c’est bien qu’il soit sorti car il a mis l’APST dans une situation économique catastrophique. L’association a encore beaucoup de dettes. L’APST doit être une mutuelle pour protéger les agents de voyages.
 
Comment voyez-vous l’année 2018 ?
Nous avons un président de la République qui rassure. Depuis qu’il a été élu, il y a moins d’agressivité. Et c’est bien car les gens ont besoin de douceur. J’ai l’impression qu’on revient dans une forme de cocooning des années 1990. Emmanuel Macron a rassuré les marchés. Indirectement, il fait revenir les gens dans les agences et les fait dépenser. L’année 2018 est bien partie car les groupes sont bons.
 
Propos recueillis par Laurent Guena et David Savary
Tourcom

Auteur

  • David Savary
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