Charter : le spectre de la délocalisation

Un préavis de grève a été déposé pour la période fin septembre début octobre.
En septembre, le Csam doit donner son avis avant que le ministre tranche. Le plombier polonais revient. Et si cette fois il porte un uniforme de pilote de ligne et parle espagnol, il fait visiblement toujours aussi peur. Le projet de compagnie touristique porté par Cédric Pastour (voir ci-dessous) a en effet déclenché l'ire du puissant syndicat national des pilotes de ligne. Dans un communiqué, le SNPL n'y va pas par quatre chemins. Il dénonce une opération dont le but est de "venir concurrencer Corsair et Star Airlines sur le terrain des vols touristiques, en s'affranchissant des contraintes nationales : charges sociales, caisses de retraite, code de l'aviation civile…". Comme nous l'a résumé Jérôme Bansard, le président du syndicat : "Qu'une compagnie nouvelle se crée, cela nous convient. Mais si cela ne conduit pas à créer des emplois en France nous ne sommes plus d'accord." Le SNPL enfonce le clou en ajoutant : "Alors que le transport aérien - hors groupe Air France - est à l'agonie, une décision favorable à la création d'une compagnie quasi fictive tuerait définitivement les compagnies charter encore existantes". Et les craintes du syndicat semblent partagées par d'autres acteurs du secteur. Comme nous l'a confié un cadre d'une compagnie charter française (donc un concurrent potentiel), "il est clair que si ce projet se concrétise, ça pourrait ouvrir des portes, même si ce n'est pas actuellement notre stratégie. Il faut que tout le monde joue avec les mêmes règles. S'il s'avère qu'on peut ouvrir une compagnie comme ça, sans pilote ni avion français…". Et voilà que sans dire son nom revient le spectre de la délocalisation. De son côté, Cédric Pastour trouve "vraiment dommage que le SNPL prenne le ministre en otage [NDLR : un préavis de grève a été déposé pour la période fin septembre-début octobre)] et surtout, à l'heure où l'on parle d'Europe, qu'on provoque une histoire pareille pour 12 pilotes espagnols pendant 6 mois". Et si finalement le seul problème, comme le martèle l'ensemble de la profession, c'était avant tout les coûts faramineux auxquels doivent faire face les ailes françaises par rapport à leurs concurrentes européennes ?
Un projet qu'on peut dire "europragmatique"
Le projet de Cédric Pastour prévoit que l'actuelle petite compagnie d'aviation d'affaires Phénix Aviation obtienne du Conseil supérieur de l'aviation marchande (Csam) un avis favorable à l'obtention d'une licence de la part du ministère des Transports. Et ce, afin de pouvoir opérer des vols long-courriers pour le compte de tour-opérateurs au départ d'Orly. Pour ce faire, le projet prévoit que Phénix s'appuie sur la compagnie espagnole Iberworld  qui doit investir 4 millions d'euros de capitaux propres et qui sous-affrétera à Phénix un avion de type A330-200 avec son équipage technique (ACMI). Cette première phase doit durer jusqu'en avril 2007. Pendant l'hiver, cinq vols long-courriers hebdomadaires doivent être effectués, dont deux pour le compte du Club Méditerranée (qui a déjà inscrit la compagnie dans sa brochure) et trois pour le compte de Switch. Entre novembre 2007 et octobre 2008, il est prévu que Phénix Aviation intègre dans sa flotte un A330-200, avec cette fois-ci des équipages français. Cet appareil devra retourner en Espagne dès l'arrivée de l'été afin de laisser sa place à deux petits porteurs. D'après le dossier de presse de la nouvelle compagnie, le projet serait créateur d'emplois. En tout, 90 postes devraient être créés d'ici octobre 2007 répartis en 12 pilotes, 60 personnels navigants commerciaux, 20 personnels au sol, dont des mécaniciens pour assurer la maintenance légère des appareils basés en France. Pour que tout cela se concrétise, il faut maintenant que le Csam, qui se réunit normalement début septembre, donne un avis favorable et que le ministre entérine cette décision.