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Destinations

Pour Bruno Gallois, on demande aux TO de courir le 100 mètres avec un sac de 20 kilos sur le dos et les yeux bandés

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Dans une tribune libre qu'il nous a adressée, Bruno Gallois, ancien DG de Marsans, réagit aux propos de Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde, parus chez notre confrère L’Echo Touristique (lire), ainsi que de plusieurs présidents de réseaux. Jean-François Rial, dans une récente tribune publiée dans L’Echo Touristique, explique très justement les causes ‘exogènes’ de la crise que subit actuellement l’industrie du tourisme (crise économique, crise issue des révolutions arabes, désintermédiation, mutation des processus d’achats).
Cependant, cette crise est aggravée en France par la question - que je qualifierais d’endogène - de la structure de notre industrie, question récurrente qui hante les congrès et conventions depuis plus de vingt ans sans que l’on se décide à l’analyser autrement que comme un rapport de force entre producteurs et distributeurs. Il n’est que de voir les réactions des deux présidents cités par Jean-François Rial (Richard Vainopoulos, président de Tourcom et Adriana Minchella, présidente du Cediv. NDLR) ainsi que la réponse d’un troisième président (Jean-Pierre Mas, co-président d'AS) - en particulier sur la question des commissions considérée comme négligeable (!!!) - pour constater que chacun continue de défendre son pré carré alors que c’est la forêt qui brûle. La question n’est pas en effet pour les Producteurs de se passer des Distributeurs, ni pour les Distributeurs de considérer qu’ils puissent être leur propre TO comme certains le disent, les mêmes qui annonçaient qu’internet ne serait qu’un feu de paille appelé à disparaître. Au même titre que M. Danone ne saurait se passer de M.Carrefour, ni M.Carrefour produire lui-même les produits proposés dans ses rayonnages. La vraie question est ‘à quel prix’ et ‘dans quelles conditions’, pour qu’un TO puisse faire le choix de passer par le réseau de distribution sans éprouver le besoin de le court-circuiter.

I - Etat des lieux
Pour des raisons historiques qu’il serait trop long de développer, la distribution a, par le poids de ses réseaux, pris le pas sur la production, à qui elle a imposé ses conditions.
A - Les conditions de la distribution et leurs conséquences :
- Des taux de commission léonins
. Les faits
: 13% à 14% (cas du Top 14 AS) sur facture, + 1% siège, + 1% centrale paiement, = 15% à 16% HT, + frais marketing + salons + financement conventions + frais de distribution de brochures, soit au minimum 17 à 18% HT du prix de vente du produit, représentant environ 20% à 21% du prix d’achat, taux à majorer de la TVA, soit 3,5 points pour les destinations de l’Union européenne (Espagne, Italie, Grèce, …), soit alors de 24 à 25% sur prix d’achat.
. Les conséquences : Des prix élevés pour le client - Une rentabilité très faible pour le TO. A supposer que le TO se contente de 12% sur prix d’achat – soit 9 % sur le prix de vente - pour couvrir l’ensemble de ses charges, il lui faut donc appliquer au minimum un coefficient de 1,32 (20% + 12%) sur ses prix d’achat, coefficient qui passe à 1,36 sur l’Union européenne, d’où des prix forcément élevés pour le client final. Le producteur quant à lui dégage une marge inférieure de moitié à celle du distributeur, alors qu’il prend l’ensemble des risques et doit amortir ses brochures, ses engagements, sa publicité…, ainsi que ses charges de fonctionnement (personnel, loyers, …). Ce qui explique la faible rentabilité de ces entreprises. Certes il ne tient qu’à lui d’augmenter sa marge, mais avec tout le risque de se mettre encore plus hors marché et de perdre ou l’agence, ou le client (et plus sûrement les deux).
- Des conditions de paiement anti-économiques
. Les faits
: Les conditions de paiement imposées sont entre 20 et 30 jours date de départ du client, le 5 ou le 10 du mois suivant, soit jusqu’à 40 jours après le départ d’un client voyageant en début de mois. Sachant que le TO a pour sa part prépayé à tout le moins ses engagements aériens, maritimes et/ou fluviaux, à défaut de ses engagements hôteliers. Pour ces derniers, il a néanmoins dû apporter une garantie, dès lors que la destination est en sous-capacité hôtelière. Le TO joue ainsi un rôle de banquier de la profession, ce qui – convenons-en – n’entre pas de manière évidente dans ses attributions.
. Les conséquences : Des prix plus élevés – Des stocks insuffisants – Une trésorerie tendue. Cette politique met le TO dans une situation très déséquilibrée par rapport aux TO étrangers (Allemands, russes maintenant, …) qui payent cash à l’avance, bénéficiant ainsi des meilleurs tarifs et des stocks nécessaires. Comme il n’est pas possible de faire autrement, le TO n’a pas d’autre choix que de se mettre dans une situation de trésorerie extrêmement périlleuse.
- L’interdiction d’accéder aux données des clients
. Les faits
: L’agence considère toute donnée relative au client comme un trésor de guerre mieux gardé que celui des templiers. Le client selon elle lui appartient, et aucune information ne doit être donnée au tour-opérateur. Pour ce faire, elles vont jusqu’à remplacer la fiche d’appréciation du TO par leur propre formulaire.
. Les conséquences : Un pilotage à l’aveugle - L’impossibilité d’adapter les produits à la demande. Le TO qui distribue par le réseau ignore tout de ses clients, de leur profil, et y compris de leur avis sur le voyage, et se retrouve incapable de faire évoluer son produit en conséquence. Son seul outil de pilotage est alors binaire: Le produit s’est vendu, ou ne s’est pas vendu. Ce qui est léger à l’heure d’analyser le positionnement de ses produits et leur adaptation aux souhaits des clients.
B - Les contre-parties attendues ne sont pas au rendez-vous
En échange, le TO référencé est censé être mis en avant chez le distributeur. Cela est certes vrai chez les distributeurs intégrés, qui ouvrent ou ferment le robinet, mais aucunement dans la plupart des réseaux volontaires. Ainsi, chez AS, on a annoncé récemment comme un grand succès le fait que le TOP 14 assure… 60% ( !) des ventes de forfait. Soit aucune progression en 15 ans, malgré les commissions, super-commissions et autres incentives. Ce qui signifie aussi que les TO qui n’accordent pas tous ses avantages réalisent malgré tout 40% des ventes.
C - Les récriminations de la distribution vis-à-vis de la production
Celles-ci sont toutes contenues dans les obligations que cette même distribution impose à la production :
- Des prix trop élevés vis-à-vis d’internet et/ou des TO étrangers : Commissions trop élevées et absence de cash pour paiement anticipé
- Des stocks insuffisants : Là aussi, la non-disposition de la trésorerie rend impossible l’achat de stocks suffisants
- Des produits non adaptés : Le TO ne dispose pas d’information sur ses propres clients
En gros, la distribution se comporte comme un entraîneur qui demanderait à son champion de battre le record du monde du 100m après lui avoir mis un sac de 20 kg sur les épaules, lié les mains dans le dos et bandé les yeux.

II - Quelle solution ?
Lorsque l’on tourne en rond sans trouver de solution à un problème, il importe de sortir du cercle et de le considérer de l’extérieur. C’est ce qui a été fait dans l’état des lieux ci-dessus. Il est intéressant ensuite de voir si d’autres l’ont résolu différemment.
Le cas de l’Allemagne est certainement le plus instructif. Plus de 28 millions de forfaits vendus, dont 95 % en agence de voyage et l’une des plus fortes densités d’agences de voyage. Hormis les spécificités géographiques et culturelles connues et régulièrement mises en avant, qui peuvent justifier le volume réalisé, il peut être intéressant de s’interroger ce qui fait que cette industrie est en bonne santé, alors qu’elle est en difficulté chez nous.
A - Quel est le système ?
- Le distributeur distribue
- Le producteur produit
- Le client est commun : Les actions pour s’adapter à ses besoins et ainsi le conquérir et/ou le fidéliser sont conjointes.
- L’argent versé par le client est réparti dès le départ tel qu’il doit l’être au final, à savoir la commission au distributeur, le solde au producteur, pour reversement aux différents prestataires.
B - Un système vertueux qui permet de répondre aux points de blocage évoqués précédemment. Il s’agit en effet dans un modèle ‘économique’ au sens propre du terme, et non plus financier comme il l’est chez nous :
1) Des taux de commission raisonnables permettant d’offrir des prix compétitifs et donc d’attirer des clients plus nombreux:
- Les taux vont de 8%, allant jusqu’à 11% pour les gros réseaux.
- Les commissions siège vont de 1 à 1,5%
- Pas de centrale de paiement, donc 1% de plus d’économisé
Soit donc un maximum de 12,5% sur prix de vente – 14% sur prix d’achat, représentant un écart de 7% par rapport au marché français, ce qui est très significatif dans la décision d’achat du client.
2) Des conditions de paiement conformes aux réalités
- Les agences ne perçoivent que la quote-part correspondant à leur commission. Elles se sont ainsi adaptées pour vivre uniquement avec celle-ci, sans faire de cavalerie avec l’argent du client
- Les montants des acomptes et du solde, diminués de la commission, sont versés directement aux TO, ce qui leur permet de payer leurs fournisseurs à l’avance et de bénéficier de conditions favorables, tout en conservant leur solidité financière.
Ces deux aspects cumulés peuvent amener un écart de prix de l’ordre de 10% pour un même produit entre les marchés allemand et français, ce qui leur donne une importance nettement au-delà du simple leurre que certains évoquent.
3) Des données clients partagées et des actions marketing communes
- Le TO et l’agence disposent de l’ensemble des données clients
- Ce qui permet de faire des actions locales et/ou nationales communes et ciblées
- Ce qui permet aussi d’analyser les besoins des clients et d’adapter les produits en conséquence.
Par ailleurs, les différents acteurs considèrent que les moyens peuvent être partagés au plus grand bénéfice de tous… Tout le monde distribue tout le monde et achète à tout le monde. Ainsi les TO laissent libre accès à leurs confrères à leur stock aérien et/ou hôtelier, ce qui contribue à une consolidation des risques et donc à une réduction des coûts. Les systèmes de réservation – Bistro/Traveltainment, Merlin/Sabre, Traffics, Vanessa/Schmertteling, … - permettent aux agences de comparer facilement les tarifs et les offres de l’ensemble des tour-opérateurs.

III - La conclusion.
Il ne s’agit pas de prendre une énième fois l’Allemagne en exemple comme l’élève parfait. Mais de sortir de 20 ans d’immobilisme et de débats stériles où chacun campe sur ses positions… et sur ses avantages. On est effectivement bientôt en 2013. Ce n’est plus le temps des vaches grasses dont chacun profitait. Il existe des solutions différentes permettant à la Production et à la Distribution de travailler en bonne intelligence. Il y a un avenir pour les jeunes dans ce métier, à condition qu’ils prennent les commandes, pour remettre en cause les schémas établis et reléguer aux oubliettes les querelles de personnes et de défense d’avantages acquis qui se font au détriment de la profession.

Auteur

  • La Rédaction
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