Tribune : Le rachat d'Havas Voyages une vraie bonne idée ?

Que la plus belle marque française de distribution du tourisme se retrouve demain face à Thomas Cook, quel retournement, quelle jubilation pour TUI, quelle tristesse, quelle amertume pour Thomas Cook, ses équipes et ses franchisés qui ne méritent vraiment pas cela et quelle confusion pour ses clients ! Mais au-delà du brillant coup de communication, Havas Voyages, le phénix, connaîtra-t-elle le destin de Talbot, marque automobile prestigieuse ressuscitée sans succès dans les années 80, ou retrouvera-t-elle sa splendeur d’antan ? Ses atouts sont nombreux, encore faut-il que certaines conditions soient remplies pour rencontrer le succès.
Havas Voyages est une marque de distribution ; certains considèrent même qu’elle est davantage une enseigne qu’une marque, voulant signifier ainsi qu’elle renvoie à de stricts critères d’expertise, de professionnalisme, sans réelle valeur émotionnelle ; dit autrement, elle serait une marque froide ne permettant pas de raconter une véritable histoire au consommateur. Mais est-ce vraiment le problème quand on veut créer un réseau de distribution ? TUI rend Havas Voyages à son destin d’origine, la distribution, en clarifiant ainsi la perception, même si le client ne distingue pas vraiment entre ce métier et celui de tour-opérateur. Encore faut-il que son choix soit réel entre les différents produits proposés ou, à tout le moins, pas trop orienté.
Ensuite, au contraire de la pile électrique, une marque ne s’use que si l’on ne s’en sert pas et Havas Voyages était présent, il y a encore seulement quinze mois, dans les plus beaux emplacements des principales villes de France. C’est cette visibilité qui a fait sa notoriété, associée au professionnalisme de ses équipes. C’est aussi son ancienneté, ce qui ne va pas sans un certain parfum de passé, de conservatisme qui devra être transcendé pour en faire une marque moderne.
Enfin, une marque ne suffit pas à créer un réseau. En un mot, Havas Voyages vaut-elle sans son réseau ? Rien n’est moins sûr, mais ce qui est certain c’est que sa notoriété en fait une enseigne particulièrement exigeante. Les nouveaux emplacements devront être à la hauteur de cette notoriété, tout comme les femmes et les hommes qui animeront les futures agences. Ce futur réseau, porté par la marque Havas Voyages, devra aussi se trouver une identité propre pour développer son attractivité vis-à-vis de ses clients et de ses franchisés, sans l’appui d’un réseau intégré portant le même nom. Cela nécessitera une vision claire et des moyens importants. C’est à ces conditions que le rachat d’Havas Voyages deviendra une vraie bonne idée. Mais ce pari est encore loin d’être gagné. Toutefois, la notoriété de la marque pourra toujours être utilisée sur le Net.
Paradoxalement, si le rachat d’Havas Voyages renforce clairement la position du groupe TUI, il souligne le caractère peu évocateur de sa marque et son statut au destin plus limité, tout au moins en France. Il démontre, aussi, que les marges du tourisme supportent mal le coût de création d’une marque ex-nihilo et qu’il est préférable de s’appuyer sur une marque à la notoriété préexistante si son coût d’acquisition est peu élevé, ce qui semble être le cas.