La réservation de vols repose sur l’exploitation de normes extrêmement structurées et établies depuis des années. La problématique actuelle provient de l’émergence de nouveaux contenus comme les compagnies low cost et les ventes additionnelles. Ces contenus ne sont pas normés de la même façon ce qui rend complexe leur intégration.
Depuis plus de 25 ans les GDS ont développés l’automatisation des processus de réservation en s’appuyant sur les normes ATPCO/ OAG. Ce ne sont pas celles utilisées par les compagnies low cost ni celles qui permet de proposer les ventes ancillaires de façon optimale.
Ces derniers utilisent le langage XML qui est un protocole informatique ‘’plutôt’’ récent. Plutôt car il date quand même d’une dizaine d’année. Mais il est très employé par les acteurs internet car il permet de pousser une plus grande diversité de flux comme des images ou des vidéos.
Pour les GDS, l’objectif surtout de ne pas toucher à la structure de base ce qui serait trop cher, trop long et trop complexe. L’alternative est de recourir aux API.
Les compagnies aériennes par contre, pour se différencier, ont largement intérêt à s’appuyer sur NDC car c’est un standard de distribution basé sur l’XML dont les capacités à pousser des flux est infiniment plus riches que la norme ATPCO/ OAG. Par exemple, avec cette norme, il est parfaitement possible de présenter un siège Premium avec un verre de champagne accompagné de sa photo
La situation
Si XML est un langage moderne, il a besoin d’un système pour traiter le contenu. NDC ne propose rien de la sorte. Il permet un accès à un contenu, point barre. Les agences de voyages ont besoin de continuer de bénéficier d’une solution pour leur permettre la comparaison. Si rien ne remplace les plateformes GDS, la distribution est dans l’impasse. Jean Pierre Mas, président de l’EDV explique : « IATA défend ses commanditaires que sont compagnies aériennes. Mais il s’agit de prendre en compte le besoin des agences de voyages de disposer d’outils de comparaison, d’industrialisation des flux comptables et de traitement des modifications du PNR par l’agence ».
Pour les agences de voyages
Les agences de voyages ont besoin d’intermédiaire agrégateur. Pour vendre un aller et retour Paris/Los Angeles, on peut aller directement sur le site d’une compagnie. C’est ce que propose NDC. Dans ce cas, pas de problème. Mais si le voyage le moins cher ou le plus adapté en terme d’horaire consiste à emprunter plusieurs vols sur des compagnies différentes ou bien si des modifications sont à apporter en cas de changement d’horaire à l’initiative des Compagnies, l’agence n’est pas alertée comme aujourd’hui elles le sont via les GDS. Il est évident que la distribution ne peut pas se passer de cet intermédiaire qui garantit au voyageur final la bonne exécution du voyage acheté.
Pour la compagnie aérienne
En ayant la main sur les offres proposées et les descriptifs produits/services, les compagnies aérienne pourront mieux décrire les particularités de leurs produits et services via tous les canaux et ce avec plus de réactivité. C’est pour elle le moyen de valoriser leur contenu et mieux soutenir leur politique marketing. Lorsque les clients réservent directement auprès de la compagnie, elles ont à la main pour intégrer le profil de son voyageur et aller plus loin dans la personnalisation. Ensuite pour l’exploitation CRM n’est qu’une question d’algorithme.
Le beurre et l’argent du beurre
Les compagnies voudraient bien être continuer à être vendu par les agences mais aussi prospecter directement le voyageur. Comment concilier les politiques commerciales ?
Tout repose sur le commerce ou plutôt l’e-commerce. On a rien inventé de mieux depuis les années 70 avec les hypermarchés : un prix d’appel pour attirer le consommateur et le tour est joué. L’e-commerce c’est la même chose : un prix d’appel avec un prix de base pour un vol de 49 euros et les marges se font sur les ventes additionnelles. C’est la stratégie BtoC empreintée par les compagnies aériennes. Elle repose sur ce fameux prix d’appel. Mais pour que ça fonctionne à plein aussi auprès de la distribution, il faut accepter d’être comparé, ce que justement les compagnies ne veulent pas.
2 logiques s’affrontent
Ici, 2 logiques s’affrontent :
- les compagnies aériennes qui cherchent à se différencier et à valoriser leurs avantages concurrentiels, quel que soit le canal de vente utilisé. Le problème, c’est qu’elles se sentent limitées par le filtre des GDS.
- Et la distribution dont la valeur ajoutée repose, a contrario, sur la comparaison.
On est donc confronté à des stratégies bien différentes entre le fournisseur de contenu et le distributeur. Alors ?
Demain
Alors, à ce stade de l’analyse, nous voyons bien que toutes les pages ne sont pas encore écrites. Il semble qu’on arrive au bout d’un cycle. Pour le comprendre, il suffit de savoir qu’un nombre limité de produits/services ancillaires sont normés ATPCO alors que les compagnies en proposent des centaines sur leurs sites BtoC. De plus, hormis peut-être pour Travelport qui a développé une plateforme dédiée, ces ventes additionnelles ne sont pas simple à proposer via le canal GDS. Elles s’apparentent à « valiser » un deuxième billet via l’émission d’un EMD… Absurde ! Le dialogue GDS/IATA doit donc nécessairement continuer dans la perspective de pouvoir offrir le meilleur des 2 mondes : plus de richesse de l’offre sans que cela se fasse au dépend des outils de comparaison des agences.
Comparaison et richesse de contenu
La comparaison c’est justement le rôle de l’intermédiaire. Emmanuel Bourgeat, le directeur général de Travelport France explique (voir interview) : « Je pense que la norme NDC est une opportunité pour les agences de voyages. Devant une offre plus riche, les consommateurs vont avoir besoin de conseils. La distribution, par son expertise, pourra démontrer sa valeur ajoutée. Par contre elle a besoin de disposer des bons outils pour ne pas perdre en productivité tout en gagnant en qualité de prestation. » (voir interview).Toute la question est là : avoir les bons outils.
Interview Emmanuel Bourgeat, directeur général Travelport France
Lors de la présentation de la norme NDC au congrès de l’EDV à Lille, les GDS ont été interpellés. Après avoir interrogé Amadeus, c’est au tour de Travelport de nous donner son point de vue.
i-tourisme : Lors de la présentation de la norme NDC, Yannick Hoyles insistait sur la modernité du langage XML. Mais Travelport aussi maîtrise le XML. Quelle est votre analyse ?
Emmanuel Bourgeat : XML n’est qu’un moyen, pas une finalité. Donc NDC présente un moyen additionnel d’apporter une information plus riche au distributeur. C’est utile lorsque l’on vit du conseil vendu à ses Clients !
i-tourisme : OK, mais justement quelle est la réponse de Travelport ?
Emmanuel Bourgeat : Nous n’avons pas attendu l’initiative NDC pour répondre aux attentes des compagnies, des agences et de la limitation imposées par les normes APTCO. Nous avions anticipé cette évolution et nous avons massivement investi depuis 5 ans dans l’architecture de cette nouvelle plateforme. Nous considérons chez Travelport, depuis plus de 5 ans, que notre métier se rapproche plus de celui d’agrégateur de contenus que de GDS. Nous offrons la possibilité aux compagnies de se distribuer sur notre plateforme avec la même richesse d’information que sur leur site B2C et nous replaçons l’agent de voyages au centre de l’information, tout cela dans un environnement garant de sa productivité ! Ce que nous avons réalisé est sans équivalent aucun chez nos Confrères !
i-tourisme : Avec quel résultat ?
Emmanuel Bourgeat : La plateforme est plébiscitée avec plus de 249 compagnies aériennes participantes et « live », dont celles du groupe Air France et toutes les majeures de notre marché. Cerise sur le gâteau, les informations décrivant les tarifs packagés des compagnies sont publiées en français par plus d’une vingtaine de compagnies. Plus besoins de rechercher une information en anglais dans les profundis des notes tarifaires…
i-tourisme : Vous parliez d’évolution. NDC a servi d’aiguillons ?
Emmanuel Bourgeat : Pas que. On observe depuis quelques années une volonté des compagnies à valoriser leur offre comme on peut le voir sur leur site BtoC. C’est le défi que nous avons relevé tout en nous efforçant de remettre l’agent de voyages au centre de l’information afin de lui permettre de délivrer le conseil que son client est venu chercher en s’adressant à lui.
i-tourisme : Combien avez vous investi pour développer votre nouvelle plateforme Smartpoint ?
Emmanuel Bourgeat : Des centaines de millions de dollars depuis 5 ans.
i-tourisme : Yannick Hoyles laissait entendre que la norme NDC, norme très ouverte, pouvait favoriser l’émergence de nouveaux agrégateurs. En dehors des GDS, qui peut avoir la capacité d’investir autant ?
Emmanuel Bourgeat : Depuis 25 ans que les GDS investissent, le ticket d’entrée est considérable. Je ne vois pas d’acteur aujourd’hui qui aurait immédiatement la puissance pour le faire à l’exception peut-être d’un des GAFA… Le challenge est colossal. Quel acteur est capable de répondre en moins d’1 seconde à des interrogations complexes reposant sur des algorithmes sélectionnant des combinaisons tarifaires parmi des centaines de millions de tarifs ? Aucun des systèmes des plus grosses compagnies aériennes n’y parviendrait à ce jour.
i-tourisme : concernant les ventes ancillaires et des tarifs packagés, que propose de plus Travelport ?
Emmanuel Bourgeat : Justement, nous avons repensé notre plateforme sur ces sujets là et elle a été redéployée dans ce sens. Nous sommes à même de donner le descriptif des produits et services de chaque tarif proposé, par le biais de texte, de photos et bientôt de la vidéo et tableaux graphiques comparatifs. Tout est intégré dans l’environnement de production de l’agence. Nos objectifs sont de garantir à l’agence sa capacité à comparer comme de conseiller. Pour les compagnies le bénéfice est d’améliorer la revente de produits à forte contribution versus ceux vendus sur leurs sites B2C !
i-tourisme : Et pour NDC ?
Emmanuel Bourgeat : Cela a été rappelé par Yannick Hoyles d’IATA à la convention de l’EDV à Lille, nous allons dans les semaines à venir obtenir la certification NDC agrégateur de niveau 3 contre fin 2018 pour Amadeus et Sabre. Ce qui concrètement veut dire que nous allons continuer à prendre de l’avance par rapport à nos compétiteurs et pouvoir initier le travail d’intégration dès le début de 2018. Nous combinerons cette avance à l’expérience cumulée depuis 3 ans avec des contenus enrichis sur notre plateforme pour permettre à nos Clients et aux acteurs du marché de mieux faire face aux défis qui se présentent !
i-tourisme : Les GDS ou Travelport doivent-ils se réinventer ?
Emmanuel Bourgeat : On s’est déjà réinventé. Nous laissons le soin aux autres acteurs d’expliquer ce qu’ils envisagent de faire. On est devenu, comme je vous le disais, des agrégateurs de contenus.