Air France est plus que titillé par l’idée de faire jouer la "clause de revoyure" qui lui permet de renégocier avant son terme (fin 2005), avec le Snav, l’accord fixant le mode de rémunération des agences de voyages françaises.Le syndrome de PanurgeL’argument invoqué (modification de l’environnement) ne résiste pas à l’analyse.
Toutes les compagnies étrangères continuent à rémunérer la distribution sur le marché français à des conditions équivalentes ou supérieures à celles d’Air France. Sur les autres marchés, Air France s’est adapté au nouveau mode de rémunération dicté par chaque compagnie leader.Deux mondes bien distinctsLes grands comptes sont préparés à rémunérer leur agent de voyages pour leur mission de négociateur, d’acheteur, de prestataire de services et de garant de l’application correcte de la politique "voyages" de l’entreprise. L’agent de voyages devient alors mandataire du client auquel il restitue remises et commissions. En échange de ses services, il perçoit des "honoraires". La clientèle PME, et a fortiori la clientèle loisir, est loin d’intégrer cette démarche. Impossible équationIberia, cité en exemple, et érigé en modèle à Merida, prétend réduire ses coûts de distribution tout en favorisant une meilleure rémunération de la distribution. Cette équation est d’autant plus impossible qu’Iberia tient, comme toutes les compagnies européennes, à maîtriser les prix de vente en les étalonnant sur les prix pratiqués dans son propre réseau d’agences. Or Air France a déjà déclaré se satisfaire d’une commission de 1 % à 2 % sur Internet (1). Un modèle économique dans lequel les prix d’achat et de vente sont fixés par le producteur et dans lequel le distributeur n’est pas commissionné n’existe nulle part, ni dans le commerce ni dans les services. Imaginons un instant que notre épicier nous explique que Coca Cola lui laisse tellement peu de marge entre le prix d’achat et le prix de vente pratiqué dans les boutiques Coca Cola qu’il se trouve contraint de nous facturer des honoraires afin de payer sa caissière. Impensable ! Parce que Coca Cola malgré sa suprématie mondiale estime pouvoir se passer d’un réseau de boutiques qui lui appartiendrait et parce que ce mécanisme serait en totale opposition avec les principes de l’économie libérale. Courte vueCertains leaders de la distribution déclarent être favorables à un passage rapide à la "commission zéro". Ils jouent aux apprentis sorciers en faisant semblant d’oublier que la grande majorité des agences de voyages n’est pas prête à cette modification du modèle économique. Le cheval de Troie des low cost et des concentrationsAir France semble oublier qu’une rémunération fixe mettra la compagnie sur un pied d’égalité avec les low cost et incitera l’agent de voyages - du fait que sa rémunération est déconnectée du prix de vente - à proposer systématiquement le prix le plus bas. Souvent celui des low cost ! Par ailleurs, comme dans la grande distribution, c’est au niveau de la puissance d’achat que s’effectuera la différence. Il y a fort à parier qu’Air France trouvera vite face à elle deux grandes centrales d’achat qui réduiront considérablement sa marge de manœuvre.Le coup du sombreroAux USA sous l’effet conjugué de la baisse des rémunérations et d’Internet un tiers des agences de voyages a disparu. En Grande-Bretagne, un quart ! Le rôle du Snav n’est pas de favoriser les concentrations mais de défendre l’ensemble de ses adhérents et de les aider à anticiper les évolutions. Il a été parfaitement illustré à Mérida par le président de la "commission air". Dans son discours d’ouverture et ses interviews d’avant congrès (2), le président du Snav semblait être en ligne avec cette position. Le discours de clôture – probablement réécrit sous influence au cours du congrès - laissait entrevoir de larges brèches en faisant la part belle au modèle espagnol. On peut encore éviter que le syndrome de Panurge dont semble atteint Air France n’incite le Snav à se coucher piteusement. Jean-Pierre MasPrésident d’Afat Voyages(1) Christian Boireau ; Statégos janvier-février 2004 (2) "Si Air France prend la responsabilité de baisser ses commissions… nous couperons les ponts avec les responsables de la compagnie… nous intenterons une action en justice… nous pousserons la vente des compagnies étrangères", César Balderacchi, Tour Hebdo, 16 janvier 2004.
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