Suivez-nous grâce à nos newsletters S'inscrire

Institutions

Commission zéro : comment on est arrivés là

Plus que quelque mois avant l'enterrement officiel des commissions Air France.
L'occasion de se souvenir d'où vient la rémunération des agences et comment elle a évolué. L'occasion aussi de se pencher sur ce qui se passe au-delà de nos frontières.
Une histoire de la commission zéro
Au 1er avril 2005, la rémunération à la commission prendra fin sur le marché français. Du moins de la part d'Air France. Pour arriver à ce stade, le chemin a été long, très long. Historiquement, explique un spécialiste, "les agences ont toujours été commissionnées". Il ajoute : "A l'international, la commission atteignait même 11% et il n'existait que deux types de tarifs : tarifs publics et tarifs forfait qui englobaient tout ce qui relevait de l'assemblage." Dans les années 80, la commission de base est passée à 9 %. Puis de 9 % à 7 % en 1997. Les raisons de l'évolution ? Dans les années 80 et 90 le ciel européen a été peu à peu libéralisé. En 1996, la Commission européenne a décidé qu'un transport aérien libéralisé aboutirait à la création de nouvelles compagnies, à la disparition d'autres, à la multiplication des routes et là ou plusieurs compagnies opèrent, à la baisse des tarifs. Parallèlement des compagnies se créent en copiant le modèle mis en place aux États-Unis par Southwest, ce sont les low cost. Un phénomène que les compagnies traditionnelles ont eu tendance à sous-estimer en se focalisant sur ce qui était pour elle le plus rémunérateur, à savoir le voyage d'affaires et en oubliant un peu au passage le tourisme de masse. Ce que les TO du nord de l'Europe ont compensé en intégrant peu à peu le transport aérien à leurs activités. Toujours en parallèle, les compagnies low cost, s'appuyant sur la libéralisation des espaces aériens intérieurs de l'Union Européenne de janvier 97, ont commencé à sortir de leurs frontières, alors que la quasi-totalité des compagnies traditionnelles ont continué à s'appuyer fortement sur lesdits marchés intérieurs. D'où les problèmes rencontrés ces dernières années par les transporteurs qui n'avaient pas de marchés nationaux assez larges. C'est dans le développement de cette concurrence que l'on trouve, en partie mais pas seulement, l'origine de la pression sur les coûts subie par les compagnies traditionnelles. Or dans les coûts généraux, il y a les coûts de commercialisation, dont font partie les coûts de distribution.
La piste américaine
On a l'habitude de dire que tout ce qui se passe aux États-Unis finit toujours par traverser l'Atlantique. En matière de baisse des commissions en tout cas, le lieu commun se révèle exact. Avant 1995, la commission des agents de voyages sur les parcours intérieurs et internationaux était de 10 %. Cette année-là, les compagnies américaines décident de mettre en place un plafonnement (capping) de la commission de 50 dollars sur les parcours aller-retour intérieurs. Les agents de voyages américains ne restent pas les bras croisés et décident d'aller devant la justice. L'Asta (American Society of Travel Agents, l'équivalent américain du Snav) porte donc plainte et obtient 86 millions de dollars de compensation pour 35 000 membres. A titre de comparaison, on estime que cette décision a fait gagner 1 milliard de dollars aux compagnies américaines durant la seule période 1995-1997. En 1997, précisément le 19 septembre, United Airlines fait passer la commission sur les vols internationaux de 10 % à 8 %. Les autres compagnies s'engouffrent immédiatement dans la brèche. D'après certaines analyses, le chiffre d'affaires des agences américaines aurait subi une chute de 500 millions de dollars par an, ce qui annule les effets de la hausse de 17 % sur les tarifs affaires. L'année suivante, les compagnies remettent une couche de plafonnement, avec une rémunération de 100 dollars maximum sur les vols internationaux. En octobre 1999, la commission de base passe à 5 %. En août 2001, les ventes aller-retour sur le marché intérieur sont rémunérées 10 dollars forfaitairement. Puis vient la sixième et dernière étape. En mars 2002, Delta met fin à la rémunération à la commission. Les autres compagnies ne tardent pas à prendre le même chemin. Six mois plus tard, plus aucune compagnie ne paye de commission aux agences de voyages, à l'exception notable de Southwest, la mère de toutes les low cost, qui pratiquera encore le système jusqu'en novembre 2003. On admet communément que le changement de mode de rémunération a provoqué la fermeture d'environ 30 % des points de vente. On admet aussi qu'avec les conditions d'exercice de la profession tels qu'ils existaient aux États-Unis, il y était beaucoup plus facile aux amateurs de s'improviser agents de voyages.
L'accord Snav-Air France dans le détail
Air France ne donnera plus de commission aux agences de voyages le 1er avril porchain. Pour autant, la compagnie continuera, sous plusieurs formes à rémunérer les agences. Retour sur ces mesures.
• La compensation financière
Pour un volume d'affaires annuel inférieur à 100 000 E, l'agence percevra un forfait de 100 E. Entre 100 000 et 200 000 E, l'agence percevra 0,3 % de son chiffre d'affaires. Entre 200 000 et 300 000 E, ce sera 0,4 %. Entre 300 000 et 500 000 E, 0,45 %. Entre 500 000 et 1 ME, 0,5 %. Entre 1 ME et 2 ME, 0,55 %. Enfin pour un VA supérieur ou égal à 2 ME, l'agence touchera 0,6 %. L'assiette de CA retenu pour le calcul concerne le chiffre d'affaires transport, hors taxes, émis sur les titre de transport 057, sous numéro de vol AF sur l'ensemble des lignes d'Air France et de ses franchisés et sous numéro de vol KLM "operating". Les tarifs émis pour les ventes groupes et TO ne sont pas concernés. La compensation financière annuelle sera calculée sur la base d'un exercice Iata (avril-mars) et versée en deux échéances. Celle due au titre du premier semestre (clos fin septembre) sera versée le 30 novembre. La tranche sera déterminée en fonction du CA de l'entité juridique concernée (plusieurs points de vente peuvent donc être concernés) réalisé entre avril et septembre multiplié par deux. La compensation est ensuite calculée sur la base de ce taux. Le solde sera versé au 30 mai et calculé sur la base de 12 mois d'activité. L'éventuel trop perçu sera exigé par AF auprès de l'agence à l'échéance du 30 mai.
• Le plan d'accompagnement prévu du 1er avril 2005 au 31 mars 2006
Un euros par coupon de vol basse contribution et deux euros par coupon de vol haute contribution. (voir grille ci-contre pour connaître les répartitions entre haute et basse contribution)
Le versement se fera en trois échéances : pour avril-juillet 2005, le versement se fera le 15 octobre 2005 ; pour août-novembre 2005, le versement se fera le 15 février 2006 et pour décembre2005-mars 2006, le versement se fera le 15 juin 2006.
• Le plan d'accompagnement lié à la différence de TVA
Du 1er avril 2005 au 31 mars 2006, AF versera aux agences un forfait de 0,75 E par coupon de vol haute et basse contribution. Et du 1er avril 2006 au 31 mars 2007, AF versera 0,5 E quelle que soit la contribution du coupon.
Six échéances de versement sont prévues : le 15 octobre (pour avril-juillet 2005), le 15 février 2006 (pour août-novembre 2005), le 15 juin 2006 (pour décembre 2005-mars 2006), le 15 octobre 2006 (pour avril-juillet 2006), le 15 février 2007 (pour août-novembre 2006), le 15 juin 2007 (pour décembre 2006-mars 2007).
Bien sûr, si les taux de TVA (5,5 % pour le transporteur et 19,6 % pour les agences) étaient harmonisés en cours de route, l'accompagnement lié à la fiscalité prendrait fin immédiatement.
Entretien avec Susan Parsons, responsable des relations avec l'industrie au sein de l'Abta : Les agences britanniques ont dû s'adapter à 1 % de commission
Par ses fonctions au sein de l'Abta (le Snav britannique), Susan Parsons a suivi de près les évolutions du mode de rémunération par British Airways des agences de voyages anglaises.
Comment était la situation avant que British Airways ne décide de passer à 1 % de commission ?
Fin 1997, BA a expliqué vouloir faire passer le taux de commission de 9 % à 7 % le 1er janvier 1998 en complétant le dispositif par la mise en place d'un incentive basé sur des objectifs à atteindre. Pour nous, la surprise fut totale ! En avril 2001, British Airways a introduit un modèle de rémunération au booking (de 6 à 20 livres sterling selon le type de parcours). En juin 2002, le niveau de rémunération le plus bas passait de 6 livres à 2,5 livres et l'intermédiaire de 11 livres à 5 livres. En fait, BA s'est rendu compte que ce système lui coûtait plus cher que la rémunération de 7 % qu'elle payait avant aux agences. En décembre 2003, c'est le retour à une rémunération à la commission avec, cette fois-ci, un taux de 1 %.
Comment ont évolué les prix de BA après le passage à 1 % ?
Les prix de la compagnie ont chuté depuis le passage à 1 %, une chute qui reflète la différence entre la commission payée précédemment et la rémunération au booking fee.
Quelle a été la réaction des agences quand BA a décidé de changer les règles du jeu ? Y a-t-il eu concertation ?
La première étape, le passage de 9 % à 7 %, a réellement été un choc. Depuis, les changements ont été discutés de façon plus amicale. Étant donné qu'on savait que les compagnies américaines avaient réduit leur commission un an auparavant, ce ne fut pas une grande surprise de voir British Airways passer à 1 % en décembre 2003.
Comment les agences se sont-elles adaptées ?
Une grande partie des agences affaires facturaient déjà des frais de gestion depuis de nombreuses années. Dans le domaine du loisir, les agences facturent désormais des frais de service, notamment pour les billets les moins chers et pour les transporteurs qui fonctionnent avec des taux de commission très bas. Les montants de ces frais varient selon les agences, mais sont généralement supérieurs à 10 livres. Légalement, l'Abta ne peut pas recommander un niveau de frais de service. Quand BA a mis en place son nouveau système en juin 2002, la compagnie a introduit ses propres frais (10 livres pour les réservations par téléphone ou dans ses boutiques), ce qui a rendu plus simple pour les agences le fait de facturer des frais aux clients. En décembre 2003, les services fees de BA pour les court-courriers sont passé à 15 livres.
Entretien avec Henri Hourcade, directeur distribution et Internet chez Air France : Donner plus de transparence au consommateur
Pourquoi passer à la commission zéro ?
Nous allons passer d’un système où le distributeur est payé par le producteur à un système où le distributeur sera payé par le client. Je ne pense pas que l’on passe d’un système mauvais à un système qui serait meilleur. Mais il y a un changement de standard mondial qui s’impose. Ce modèle est en place aux États-Unis, en Europe, en Asie, il est impossible pour une compagnie comme Air France de rester dans une logique franco-française. De plus, nous avons besoin d’être en ligne avec nos coûts sur tous nos postes de coûts. Nous externalisons le poste commissions de l’ordre de 240 à 250 millions d’euros, mais ce chiffre ne correspond pas au bilan économique pour Air France. Ce système va dans le sens de la transparence pour le consommateur. Les agences sont moins intéressées via l'incentive à vendre cher et le client voit ce que lui coûte le transport et le service pour le conseil. Il faut rappeler que le marché affaires travaillait déjà à 80 % avec un système de prix de transport nets dans le cadre des management fees ou des transactions fees.
Placer des frais sur vos ventes Internet inférieurs à ceux des autres canaux de distribution devrait booster vos ventes on-line. Couvrez-vous vos coûts comme en doutent les agences on line ?
Internet est un mode de consommation. On ne fait qu’accompagner un mouvement qui se développe. On a toujours eu la volonté de répondre à une demande de clients qui voulaient réserver directement auprès d’Air France. Nos frais sont inférieurs sur Internet car c’est le client qui bosse. Notre grille de frais tient compte de nos coûts et de la pression de nos concurrents. Je rappelle que les agences en ligne qui contestent notre grille de frais sont originaires pour la plupart d’environnements où les compagnies aériennes ne placent pas de frais sur leurs ventes on line comme aux États-Unis ou au Royaume-Uni.
La combinaison Internet-commission zéro ne risque-t-elle pas de faire baisser la recette unitaire comme aux États-Unis ?
Internet et commission zéro entraînent plus de transparence car il n’y aura plus la tendance à vendre le billet le plus cher. En ce sens, il y a une pression à la baisse. Aux États-Unis, les webfares ont tiré les tarifs à la baisse. Nous les avons arrêtés. En France, nous avons une politique de distribution générale.
Thierry Antinori, vice-président exécutif ventes et distribution de Lufthansa : "80 % des agences allemandes vivent mieux avec la commission zéro"
En annonçant fin 2003 qu’elle allait passer à la commission zéro en Allemagne à partir du 1er septembre 2004, Lufthansa a poussé Air France à réviser son système de commissionnement sur le marché français. Membre du directoire de Lufthansa, Thierry Antinori, vice- président exécutif marketing, ventes et distribution, livre au Quotidien du Tourisme les premières tendances constatées sur le marché allemand depuis la mise en place du nouveau modèle il y a un mois.
Comment s’est passé le changement de modèle ?
Comme prévu, nous ne payons plus de commissions aux agences depuis le 1er septembre. Les agences se font rétribuer par le client. C’est entré dans les mœurs. Outre la presse, nous avons informé nos clients, sachant qu’avec les grosses firmes, les prix nets existaient déjà de fait. L’informatique, comme la facturation séparée dans Amadeus, a bien fonctionné. Il n’y a pas eu de souci majeur. Les agences de voyages ont beaucoup travaillé.
Comment se situent les agences par rapport à la grille des frais que vous prenez sur vos ventes directes ?
Nous avons voulu une grille simple car le système est nouveau. Il n’y a que deux niveaux de frais quel que soit le canal de distribution : 30 euros pour les vols intérieurs et moyen-courriers, 45 euros pour les vols long-courriers. Généralement, cette grille est un point de référence pour les agences. Mais il y a des variantes. Les agences ont un système plus segmenté. Les grands réseaux prennent sur les ventes off line entre 25 E et 65 E. Certains vont plus bas sur le on line. Idem pour les agences indépendantes.
Y a-t-il une hausse tarifaire pour le client ?
Les tarifs nets du 1er septembre correspondent aux tarifs bruts du 31 août. Ce qui fait une augmentation tarifaire de 6 %. Mais comme nous n’avions pas procédé à l’augmentation des tarifs Iata au 1er avril de 4 %, la hausse de tarifs annuelle est en moyenne de 2% sur les tarifs publiés. Les tarifs nets sont les mêmes pour tous. Sur Internet, nos tarifs sont inférieurs de 10 euros, tant pour notre site Internet que pour ceux des agences de voyages.
Quel a été l’impact sur vos ventes ?
Les dix derniers jours d’août, les agences ont émis tout ce qui était possible pour toucher la commission. Du 1er au 5 septembre, les émissions ont donc chuté de 25 % à 35 %. Depuis le 10 septembre, les niveaux sont normaux. Il n’y a pas de perte de "business". Le relevé hebdomadaire de recettes montre que nous sommes au-dessus des objectifs. Nous ne perdons pas en Allemagne. Nos ventes directes, qui représentent 8 % de notre chiffre d’affaires, ont progressé de 30 % mais cela provient du développement normal des ventes Internet.
Et pour les agences ?
Il leur est difficile d’avoir deux systèmes parallèles à gérer. L’un avec un bloc de compagnies qui pratiquent des prix nets auxquels il faut prendre des frais aux clients, l’autre composé de compagnies qui sont toujours à la commission. On s’aperçoit que les frais sont pris également sur les billets des compagnies qui payent des commissions. Plus de 80 % des agences de voyages gagnent plus aujourd’hui qu’avant. Par ailleurs, une quarantaine d’agences Iata sur près de 4 000 n’ont pas signé de contrat avec nous et ne peuvent plus commercialiser Lufthansa. Elles sont obligées de passer par des consolidateurs. Deux agences ont lancé une action juridique contre notre système.
Et pour les grands comptes qui ne bénéficient plus des rétrocessions de commissions ?
Ils comprennent le modèle. Mais ils auraient préféré qu’il entre en vigueur au 1er janvier pour mieux planifier leur budget 2004. Ils nous disent qu’ils veulent toujours voler sur Lufthansa mais pas plus cher. On leur dit qu’il n’y a pas eu de grosse augmentation de tarifs. Ils essayent de négocier sur les tarifs nets ou d’obtenir des ristournes.
Quel est le montant des économies générées par le passage à la commission zéro ?
100 millions d’euros en année pleine.
Air France a suivi le modèle de Lufthansa en Allemagne. Allez-vous suivre Air France dans l’Hexagone en 2005 ?

On observe ce qui se passe. Ce qui nous importe c’est de toujours augmenter nos ventes en France. Il faut voir tous les aspects, légaux et juridiques. Nous donnerons notre décision dans quelques semaines.

Auteur

  • La Rédaction
Div qui contient le message d'alerte

Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Déjà abonné ? Créez vos identifiants

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ? Remplissez les informations et un courriel vous sera envoyé.

Div qui contient le message d'alerte

Envoyer l'article par mail

Mauvais format Mauvais format

captcha
Recopiez ci-dessous le texte apparaissant dans l'image
Mauvais format

Div qui contient le message d'alerte

Contacter la rédaction

Mauvais format Texte obligatoire

Nombre de caractères restant à saisir :

captcha
Recopiez ci-dessous le texte apparaissant dans l'image
Mauvais format