Tourismophobie et sur-tourisme, depuis l’été 2017, et les manifestations d’hostilité envers les touristes qui se sont déroulées dans plusieurs grandes villes européennes, comme Barcelone ou Venise, les deux termes sont à la mode. Une passade ? Vu les prévisions de l’OMT, on peut raisonnablement penser que non.
Ce n’est pas par hasard que les sujets de tourismophobie et de sur-tourisme – le premier étant la conséquence du second – se sont invités au congrès des Entrepreneurs du Voyage (du 31 janvier au 3 mars à Madère), où ils seront abordés, avec le thème du réchauffement climatique, à travers une table ronde réunissant le sociologue Rodolphe Christin, Jean-Pierre Nadir (Easyvoyage), Alain Capestan (Voyageurs du Monde) et Hamida Rezeg (vice-présidente de la Région Ile-de-France).
De quoi le sur-tourisme est-il le nom ? C’est celui d’une saturation et d’un phénomène globalisé. Cela peut se passer à l’autre bout du monde, comme à Maya Bay en Thaïlande, la plage filmée par Danny Boyle dans son film éponyme avec Leonardo Di Caprio, ou au Machu Picchu au Pérou, deux sites largement saturés. Cela arrive également plus près de chez nous, dans les grandes villes européennes. Dans ce cas-là on peut sans doute faire un parallèle entre le sur-tourisme et le développement exponentiel des compagnies aériennes low-cost. D’ailleurs le fait que le taux de pénétration des compagnies low cost sur le marché français soit inférieur à ce qu’il est chez nos voisins (même si elles rattrapent leur retard) a sans doute un lien avec le fait que la France est relativement peu touchée par le phénomène de sur-tourisme, même si des sites comme le Mont- Saint-Michel ou Le Louvre peuvent en souffrir.
Reste qu’avec la possibilité de faire un aller-retour entre deux grandes villes européennes pour le prix de deux ou trois pizzas le tourisme n’est plus vraiment un luxe. Il aurait même tendance à devenir un droit. Un droit que tout le monde ou presque semble bien décidé à exercer si on en croit les prévisions de trafic de l’OMT et d’Iata. Peu de chance, donc, que les comportements excessifs et parfois dangereux (balconing et autres débordements liés à l›alcool…) ou la pression sur les prix et les loyers régressent. La tourismophobie a de beaux jours devant elle. Ce terme, le sociologue Rodolphe Christin, auteur du Manuel de l’anti tourisme et de L’Usure du monde : Critique de la déraison touristique, ne l’aime pas trop, « car qui qui dit phobie dit pathologie. Or les personnes qui réagissent aux ‘invasions’ de touristes ne sont pas malades ». Pour lui « le phénomène de sur-tourisme, dans la forme récente qu’il prend est sans doute le fruit du développement du low-cost. Mais si on a l’impression qu’il s’agit d’un phénomène récent, c’est parce qu’en touchant les grandes capitales, il est devenu visible. Je pense qu’il préexiste depuis longtemps dans des lieux plus circonscrits ».
Et ce n’est pas le développement et l’enrichissement des classes moyennes dans les pays émergents, Chine en tête, qui risque d’inverser la courbe. D’ailleurs, un opérateur comme XL Airways ne s’y trompe pas. La nouvelle stratégie de la compagnie aérienne française vise à ouvrir des lignes directes entre Paris et les grandes villes « secondaires » chinoises (parfois plus grandes que Paris) afin d’acheminer les touristes chinois vers la France. Comme le résume Rodolphe Christin, « le problème ne peut que s’aggraver, avec le surcroit de pollution et d’émissions de CO2 qui en découle ».
A contrario, Richard Vainopoulos, président de Tourcom, estime dans une contribution publiée sur le site des Echos, que « le sentiment d’un trop-plein touristique est la conséquence de deux facteurs : un manque flagrant d’organisation des flux, et la flambée des loyers liée au succès d’Airbnb ». Et d’expliquer : « plutôt que d’évoquer un trop-plein de touristes – qu’il faudrait s’employer par tous les moyens à diminuer – parlons plutôt de l’optimisation de la gestion des flux et de l’encadrement de nouvelles pratiques. Il y a chez ceux qui dénoncent le sur-tourisme – et qui ne sont souvent pas les derniers à voyager – un ostracisme social envers la grande masse de visiteurs désireuse de connaître d’autres horizons, d’autres cultures, d’autres modes de vie. Le succès touristique est une chance et présente de nouvelles contraintes. Aux pouvoirs publics de savoir apprécier l’un et de gérer les autres ». Alors, le sur-tourisme, ressenti ou réalité ? Une chose est sûre, le nombre de touristes ne cesse d’augmenter.