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Transport

ENTRETIEN - Patrick Malval, président d’Air Caraïbes : « Nous sommes la seule alternative française  crédible à Air France en long-courrier »

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Arrivé il y a un peu plus d’un an à la tête d’Air Caraïbes et d’Air Caraïbes Atlantique, Patrick Malval dirige une compagnie aérienne qui fait figure d’exception dans le paysage aérien français. De par son identité d’abord. Mais surtout parce que cela fait maintenant 15 ans qu’elle réalise des bénéfices.

 
Vous venez de fêter les 15 ans d’Air Caraïbes Atlantique, c’est l’occasion de revenir sur l’histoire de la compagnie…
Air Caraïbes est lancée quasiment tout de suite après la faillite d’AOM. Jean-Paul Dubreuil [qui avait créé Air Vendée et cédé Regional à Air France, NDLR] cherche à investir à nouveau dans le transport aérien. Il a acheté Air Caraïbes, petite compagnie régionale résultant de la fusion de plusieurs autres transporteurs. Comme il le dit, c’était un peu le musée de l’air, tellement il y avait de « types d'avions » différents. Rapidement, il se dit qu’avec ça il ne gagnera pas beaucoup d’argent et rencontre Marc Rochet. Et très vite les deux hommes arrivent à la conclusion qu’il faut se lancer sur le long-courrier. C’est le début de la période moderne d’Air Caraïbes.
 
Aujourd’hui dans quelle structure est intégrée Air Caraïbes?
Compte tenu du poids de l’aérien dans le groupe Dubreuil – un peu plus d’un tiers d’un chiffre d’affaires supérieur à deux milliards d'euros – la décision de créer Groupe Dubreuil Aéro a été prise. On y trouve Air Caraïbes, Air Caraïbes Atlantique, French Bee, Hiline, notre nouvelle société spécialisée dans le Cargo, et Higo, une société de maintenance dans laquelle nous avons pris des parts en association avec Air France et SN Technics.
 
Comment s’est passé l’exercice 2018 ?
Air Caraïbes a franchi le cap du 1,6 million de passagers en 2018. Nous étions à moins d’un million en 2015. Nous avons fini l’année à un peu plus de 480 millions d’euros de chiffre d’affaires et nous avons produit un résultat légèrement inférieur à 20 M€. Ce n’est d’ailleurs pas un bon résultat par rapport aux trois exercices précédents, à cause des coûts liés à notre croissance et du prix du carburant qui a été beaucoup plus élevé que ce que nous avions budgété.
 
Sur 2018, dans quelle proportion s’est faite l’augmentation de votre offre?
Nos capacités ont augmenté de 7% alors que notre trafic a progressé de quasiment 11%.
 
Donc le taux d’occupation moyen a lui aussi progressé ?
Oui, nous avons eu un peu de mal par rapport au PMC (prix moyen coupon), qui a légèrement baissé, mais nous avons augmenté le nombre de passagers et réussi à faire monter les taux de remplissage. Nous flirtons avec les 90% à l’année sur les grosses routes et sommes au global à 86%. Des taux habituels pour des compagnies low-cost moyen-courrier mais exceptionnels pour une compagnie long-courrier. Mais nous nous disons que nous pouvons faire encore mieux et atteindre les 90% au global.
 
Quid du transatlantique ?
Aujourd’hui le transatlantique, c’est 10 routes. Avec ce que nous appelons notre cœur de cible, Pointe-à-Pitre, Fort-de-France et Cayenne, qui représente le volume principal de notre activité. Ensuite, nous volons vers San Salvador [Columbus Island, NDLR] aux Bahamas une fois par semaine et vers Cuba, avec deux destinations, La Havane et Santiago. Nous allons en République Dominicaine, avec Punta Cana et Saint-Domingue, et en Haïti, à Port-au-Prince, une destination  pas facile à opérer mais sur laquelle nous sommes les seuls.
 
Le réseau est-il consolidé et pérenne ?
Nous nous somme posé des questions sur Cuba. Quand je suis arrivé, mon avis était qu’il fallait envisager sérieusement d’arrêter les opérations tant elles étaient déficitaires. En tout cas beaucoup trop pour une entreprise de notre taille. Et ce n’est pas le volume de l’offre sur le marché à l’époque qui me faisait penser le contraire. Puis on m’a convaincu en interne que c’était une « guerre » de capacités, que l’offre allait baisser d’elle-même à un moment donné et que nous avions sans doute les moyens d’attendre. Ce que, en accord avec notre actionnaire, nous avons choisi de faire. Et nous avons bien fait. En un an, l’offre entre Paris et Cuba a baissé de 140 000 sièges. Air France a réduit de 10 à 7 vols par semaine, Corsair est passé en saisonnier avec quatre mois d’opérations par an et XL Airways a quasiment laissé tomber la destination. Nous avons annoncé l’ajout d’une fréquence et le passage à 4 vols par semaine cet hiver. Nous allons sans doute faire une très bonne année 2019 sur Cuba, mais nous revenons de loin.
 
Où la croissance peut-elle encore se faire ?
Déjà sur les Antilles. On voit la croissance des routes vers la Martinique et la Guadeloupe, des routes plus que millionnaires qui connaissent au global des progressions à quasiment deux chiffres tous les ans. Et il y a de plus en plus d’Antillais qui voyagent dans les deux sens. Comme compagnie des Antilles, nous sommes très forts sur ce segment-là. De fait à Pointe-à-Pitre et à Fort-de-France, la compagnie nationale, c’est Air Caraïbes. On se dit qu’on peut arriver à générer des capacités supplémentaires et à bien remplir nos avions.
 
Au-delà de ces routes « millionnaires » y a-t-il d’autres possibilités de développement dans la Caraïbe en départ métropole ?
Pour l’instant, nous avons choisi d’essayer de développer des destinations aux Antilles à travers des partenariats. Nous avons signé avec Air Antilles, avec Winair et avec Saint Barth Commuter, des compagnies locales avec des réseaux importants et beaucoup de destinations. Nous nous organisons avec eux pour remplir leurs vols avec des passagers qui voyagent à bord de nos long-courriers. Aujourd’hui cela nous permet d’assurer une croissance sur le long-courrier et d’offrir quasiment 60 destinations sur notre site Internet. Même si le point-à-point représente toujours 80% de notre trafic, cela nous donne une marge de croissance et c’est d’ailleurs ce qui marche le mieux actuellement. De l’autre côté de l’Atlantique, nous avons noué des partenariats avec des compagnies comme Aigle Azur ou encore Alitalia, ce qui nous permet par exemple de toucher un grand nombre de passagers italiens voulant se rendre à Cuba.
 
Quelle est aujourd’hui la situation d’Air Caraïbes au niveau régional ?
Elle est bonne. Quelques années en arrière le régional générait tous les ans plusieurs millions d’euros de perte. Le groupe a décidé de conserver cette activité parce qu’il estimait que cela profitait au rayonnement global d’Air Caraïbes. Et c’est vrai qu’on peut voir les petits avions de la compagnie partout dans les Caraïbes, notre marque est très connue grâce à notre flotte régionale. Néanmoins il fallait réduire les pertes. Le groupe a commencé à s’y atteler il y a trois ans, notamment en restructurant la flotte. En investissant dans des avions neufs, des ATR 72-600. Ce qui nous a permis d’améliorer la régularité de façon spectaculaire, nous sommes aujourd’hui à 99%. Et surtout d’améliorer une ponctualité qui était fortement dégradée. Aujourd’hui nous sommes quasiment à 80% des vols opérés dans les 3 minutes. Grâce à cela nous avons regagné beaucoup de clients. Si en 2018 nous sommes proche de l’équilibre, j’espère qu’en 2019 nous ferons un petit profit.
 
La flotte d’Air Caraïbes connait aussi des évolutions importantes en long-courrier…
L’évolution s’appelle Airbus A350 ! L’A350 est un avion fantastique, une véritable machine de guerre. D’abord c’est un avion extrêmement fiable, ce qui nous permet de le faire voler plus de 5.000 heures par an. C’est un avion qui consomme beaucoup moins que l’A330. Et c’est un avion qui offre une bonne expérience aux passagers. Aujourd’hui nous avons six A330 et deux A350. En juillet, un A350-900 supplémentaire, copie conforme des deux que nous avons depuis 2017, entrera en flotte. En décembre, nous serons compagnie de lancement en France de l’A350-1000. Un appareil qui emportera 40 sièges de plus que son petit frère. Tout cela va nous permettre d’augmenter notre offre sur les Antilles en 2019 et 2020 et aussi de commencer à faire voler de l’A350 sur le reste du réseau.
 
Comment se passent les choses à Orly ?
Orly, c’est compliqué. Même si les choses sont parfois difficiles d’un point de vue opérationnel, c’est un aéroport qui contribue à notre succès : il y a beaucoup de vols domestiques et de plus en plus de vols européens. Nous constatons que nous avons un très grand nombre de passagers en « self connecting ». Le principal problème à Orly, c’est la ponctualité qui n’est pas au niveau de ce que nous devrions avoir dans une société comme Air Caraïbes : Nous ne sommes même pas à un vol sur deux dans les 15 minutes. Avec l’amélioration de la marge opérationnelle et la satisfaction client, c’est une des grandes priorités de cette année, nous voulons avoir la majorité de nos vols qui opèrent dans les 15 minutes. Même si c’est dû à des facteurs exogènes, avec une meilleure organisation nous pouvons peut-être y arriver.
 
Orly, c’est aussi une question de créneaux horaires. Comment envisagez-vous votre développement dans un environnement contraint ?
Nous verrons bien. Ne rien faire parce que l’environnement est contraint, ce n’est pas la bonne façon de procéder. Il faut se demander quelles sont nos ambitions et ensuite se donner les moyens. Quand nous avons commencé en 2003, avec un, puis deux avions, on ne pouvait pas imaginer que le groupe serait un jour à la tête d’un portefeuille de plus de 5000 créneaux. Nous nous sommes toujours débrouillé et nous espérons continuer à le faire. Nous sommes persuadé que l’environnement va continuer à évoluer. Et puis il ne faut pas oublier que nous faisons aussi de la croissance avec la taille des nouveaux avions que nous utilisons. Des appareils qui, je le rappelle, sont beaucoup plus vertueux que d’autres d’un point de vue environnemental et sonore. Un facteur qui pourrait peser lourd à l’avenir dans les choix qui seront faits quant à l’utilisation d’Orly.
 
En cas de blocage à Orly, réfléchissez-vous à la mise en place de départs de province ?
Un, nous ne sommes pas intéressé. Deux, nous n’en avons pas besoin. Nous nous y intéresserons peut-être le jour où nous arriverons au bout du bout de nos possibilités de croissance à Orly. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Qui plus est, multiplier les points de départ en métropole coûte cher et il n’y a pas de contreparties en termes de fret. Nous avons transporté 13 000 tonnes de fret l’année dernière et ça pèse lourd dans notre résultat. Nous pouvons continuer à faire beaucoup de choses au départ de Paris de façon profitable. Nous ne prendrons jamais le moindre risque avec notre profitabilité. Ça fait 15 ans que nous gagnons de l’argent, nous sommes quasiment les seuls. Non seulement nous sommes les seuls, mais en plus nous sommes la seule alternative française crédible à Air France dans ce pays en long-courrier.

Auteur

  • Mathieu Garcia
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