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Transport

ENTRETIEN – Sandrine de Saint Sauveur, PDG d’APG inc. : « Les compagnies aériennes paieront leur distribution d’une façon ou d’une autre »

Très attachée à la défense du pavillon français, résolument hostile au « France bashing », préférant mettre en avant le positif plutôt que de commencer par les obstacles, Sandrine de Saint Sauveur ne se contente pas de discours. Ses actes parlent pour elle. APG doit créer une compagnie aérienne ? Elle sera 100% française. Il faut lancer une plateforme NDC ? Confiance et compréhension marqueront les relations avec le partenaire technologique, lui aussi français. Faire des affaires ? Oui, mais en essayant de se poser les bonnes questions. Vous avez dit présidente philosophe ?

 
QDT : Les difficultés rencontrées en 2016 avec la perte de droits de trafic d’Heli Air Monaco et la “dévalidation” des BSP sont-elles définitivement derrière vous ?
 
Sandrine de Saint Sauveur : Oui. Nous avons depuis créé notre propre compagnie aérienne, APG Airlines, avec un certificat de transport aérien français, et avons signé à nouveau des accords interline avec quasiment tous nos partenaires transporteurs aériens. Ce qui prouve que les compagnies aériennes nous font confiance. C’est aussi le cas des agences de voyages! Finalement, cette crise a renforcé notre réseau. Sur l’ensemble du groupe APG, nous avons aujourd’hui environ 150 compagnies clientes. Certaines entrent, d’autres sortent. Certaines se développent tellement bien qu’elles finissent par se débrouiller sans nous sur certains marchés mais nous les accompagnons sur d’autres. C’est dans la nature de notre activité. Notre objectif reste d’avoir pour clientes les 700 compagnies (du monde), en sachant que nous sommes sur des produits et des pays de niche.
 
 Et dans l’immédiat ?
 
La grande nouveauté de l’année c’est qu’après les activités liées aux passagers, nous allons nous pencher sur la distribution du cargo. Nous allons le faire petit à petit. C’est un métier complètement différent mais il se trouve qu’au sein de notre réseau il y a des gens très compétents dans ce domaine. Là encore, notre compagnie aérienne, APG Airlines, va servir de pivot au niveau de l’interline.
 Justement, où en est APG Airlines ?
Pour mémoire, nous avons commencé en 2017 par faire des vols entre Nice et Bergame. L’étude de marché montrant qu’il y avait un potentiel de trafic dans les deux sens, en affaires et en loisir. Mais nous avons rencontré une problématique technique importante : nous n’avions pas le droit de parquer notre avion à Nice durant les mois d’été, l’aéroport n’ayant pas de disponibilité pour des petits avions comme le nôtre. De mai à septembre nous avons donc été contraints d’utiliser la plate-forme de Cannes. En termes de coûts opérationnels ce n’était pas bon. Nous avons donc changé d’appareil. Au début nous utilisions un Beech 200, loué à Chalair. Aujourd’hui nous avons acheté un appareil plus gros, un Beech 350. Un changement de masse qui nous a permis d’obtenir la certification IOSA [NDLR, la norme de sécurité édictée par Iata].
 
 Et pour l’année 2018 ?
 
Nous avons décidé de nous implanter à Toulouse, notamment parce qu’il y existe un centre de maintenance pour notre typologie d’avion. Nous avons ensuite cherché une route, non desservie, capable de générer de 3 000 à 4 000 passagers par an. Lorient est sortie du lot. C’est une route très « corpo » sur laquelle nous opérons un aller-retour tous les jours sauf le week-end depuis le début de la dernière saison été Iata. L’appareil est équipé de 8 sièges, en configuration salon, très VIP. Nous avons des clients très réguliers et leur retour est excellent. Nous sommes une véritable compagnie aérienne.
 
Et côté commercial ?
 
Nous essayons d’être le plus simple possible, nous raisonnons en TTC. Je me plains quand je trouve que nos clients compagnies aériennes ne sont pas assez clairs ou transparents en termes de tarification, ce n’est pas pour faire la même chose. Encore une fois, le retour client est très, très bon. Nos pilotes sont aussi ravis, car nous avons la particularité de faire du régulier mais dans une configuration VIP assez peu habituelle et ça leur plaît.
 
Des développements à venir ?
 
Je suis très conservatrice. Nous allons donc y aller doucement. Même si pour conforter la route Toulouse-Lorient, nous aurons besoin de deux avions – ce sera à l’horizon 2019, je pense – car il y a du potentiel sur l’activité charter. Nous voulons être considérés comme n’importe quelle autre compagnie aérienne. Par exemple aujourd’hui nous sommes membre de l’ERA (European Regions Airlines Association), au même titre que d’autres compagnies françaises, telle HOP ! Je ne pécherai pas par orgueil, nous resterons concentrés sur des niches et éviterons de nous lancer sur des routes concurrentielles. Me battre sur le tarif ne m’intéresse pas.
 
Vous participez ainsi  à la défense du pavillon français !
 
C’est très, très important pour moi. J’en ai assez du « France bashing » ! Les Français sont loin d’être idiots, ils sont flexibles… Certes il y a des difficultés en France – comme dans tous les pays d’ailleurs –, mais pour s’y attaquer il faudrait déjà commencer par Reconnaître nos atouts. Et d’abord le fait que les Français sont des gens extrêmement agiles qui peuvent faire beaucoup de choses en même temps et qui, contrairement à ce que beaucoup pensent, ne restent pas cantonnés dans telle ou telle case. Je suis fière qu’APG Airlines soit une compagnie française. Nous aurions pu monter un CTA n’importe où en Europe mais j’ai eu la volonté de le faire en France.
 
 En dépit des difficultés d’ordre social ou fiscal qui reviennent toujours sur le tapis…
 
En dépit de ces difficultés, parce que je regarde à long terme. Je crois au dynamisme de la France. Ça passe par des entrepreneurs comme moi, mais il y en a beaucoup d’autres qui sont également convaincus. Il faut l’être pour aborder les vraies difficultés. C’est vrai qu’il faut une harmonisation fiscale, travailler sur les charges, s’attaquer à des dossiers verrouillés, comme le plafonnement des créneaux à Orly. Mais les éléments négatifs – à travailler – ne doivent pas faire oublier tout ce qui est positif ! Au contraire, pour s’attaquer aux choses compliquées, il faut insister et communiquer sur le positif.
 
 APG Airlines prend de l’importance, mais ce n’est pas votre cœur de métier…
 
Ce n’est pas notre cœur de métier mais grâce à APG Airlines nous avons beaucoup appris, notamment à être beaucoup plus tolérants vis-à-vis des compagnies aériennes.
 
 Avoir une compagnie aérienne en interne permet de toucher du doigt les problématiques des compagnies aériennes clientes ?
 
Exactement ! Cela nous a rendu beaucoup plus humbles dans les opérations…
 
Mais le cœur de métier d’APG, c’est la distribution et le grand sujet du moment, c’est…
 
La norme NDC, qui ne devrait même plus être un sujet! Beaucoup de choses ont été dites à tort et à travers. Ce n’est jamais qu’un changement de technologie pour distribuer de façon différente. Le changement fait peur, mais comme dirait Marc Rochet [NDLR, président de French Bee], « le changement c’est tout le temps ». Un état de fait que les entreprises et même les citoyens gagneraient à intégrer. Le modèle de distribution n’avait pas changé depuis longtemps. De fait, aujourd’hui il change, il faut s’adapter. Or, dans tout changement il y a du bon. Les agences de voyages resteront par la valeur ajoutée qu’elles apportent. Elles s’adapteront à ce changement comme elles se sont adaptées aux autres. De toute façon si on ne s’adapte pas on meurt.
 
 Ce qui est en train de changer en profondeur, c’est la relation agences de voyages – GDS – compagnies aériennes…
 
Ce triptyque, où la compagnie aérienne paie un fee au GDS qui en reverse une partie à l’agence, avait un sens quand les GDS appartenaient aux compagnies aériennes. Dès lors que les compagnies ont vendu leurs parts dans les GDS et donc cessé d’en tirer des bénéfices substantiels, il était évident que ce modèle économique allait évoluer. Les agences de voyages qui pensent conserver dans leurs lignes de profit des incentives payés par les GDS font une erreur stratégique. Je pense néanmoins que tout service doit être payé. Les compagnies aériennes paieront leur distribution d’une façon ou d’une autre. Que ce soit sous forme de commissions, d’incentives ou autre, elles paieront ! De la même façon, les clients ont besoin des services des agences et ils le paieront également. Il ne faut pas avoir peur de ce changement.
 
Où se situe APG dans cet environnement en mouvement ?
On ne change pas de stratégie. Nos clients sont les compagnies aériennes et elles ont besoin d’être distribuées partout en multipliant les canaux de distribution. Notre métier est d’aller chercher les petits flux. Et pour cela, sur la NDC, nous avons choisi Orchestra, un partenaire stratégique français. Parce que nous nous comprenons, ce qui n’est pas si évident dans l’univers de la technologie, nous nous sommes adaptés avec eux à ce changement en y voyant des opportunités. Notre objectif est de développer des outils de distribution, qui répondent à des besoins fondés sur le nouveau standard.
 
Concrètement par quoi cela se traduit-il?
 
Nous avons créé une plateforme, APG Platform, qui a été lancé officiellement au World Connect. Cette plateforme donnera aux agences de voyages du contenu qu’ils ne trouveraient pas ailleurs, ou alors pas au même prix. La plateforme permettra aussi d’émettre les billets de nos compagnies partenaires hors BSP, via la plaque APG Airlines. Cela permettra notamment aux agences non Iata de travailler avec nous.
 
Quel est le circuit de l’argent dans ce cas ?
 
Nous avons créé une agence de voyages dédiée, APG Travel, et tout est émis à travers elle. C’est de l’émission et du fullfilment en dehors du BSP. C’est du flux tendu, l’argent n’est pas stocké, les billets sont payés à l’émission.
 
Finalement la politique de Iata qui vise à réduire les délais de paiement BSP ne peut que vous aider, puisque la « valeur ajoutée » induite par le BSP pour les agences tend à se réduire…
 
Cette politique de Iata est tout à fait compréhensible. La trésorerie n’appartient pas à l’agence de voyages. Ni à APG dans le cadre de son activité de représentation. Quand nous émettons pour une compagnie en billetterie directe, ce n’est pas notre argent. Notre modèle économique est basé sur une commission, une marge incrémentale par rapport au volume.
 
Puisque vous l’avez mentionné, que représente l’APG World Connect, dont la 10e édition vient de se dérouler à Monaco, pour vous ?
 
Une grande fierté. On peut organiser un évènement international avec une patte française. Je participe à beaucoup de conférences partout sur la planète et nulle part ailleurs je n’ai retrouvé l’esprit si particulier, l’humanité du World Connect. Et pourtant tout se fait en anglais ! Il se passe quelque chose à Monaco. Il n’y a pas que du business ou en tout cas il se fait « autrement » – le mot est important. Si, au World Connect comme ailleurs, on arrive à se demander si ce qu’on fait a un sens, peut-être qu’on fera vraiment du business autrement. Est-ce que court-circuiter ses fournisseurs a un sens? Est-ce que taper sur les uns et les autres a un sens? Est-ce qu’il n’y a pas plus de sens à se demander ce qu’on veut réellement faire ? Qu’est-ce qui est bien pour moi et pour mon entreprise ? Comment je peux le développer ? En général les gens ne se posent pas ce genre de questions, mais pourtant ce sont les bonnes. Il faut se les poser, avoir une vraie vision, en sachant que le changement c’est… tout le temps.
 
 
Un World Connect de gala organisé à Monaco
C’est en grande pompe, comme tous les ans, qu’APG a organisé la 10e édition de son World Connect – sa conférence annuelle sur le transport aérien. Du 31 octobre au 2 novembre, ce sont 497 personnes de 50 nationalités différentes qui ont été réuni à Monaco (dont 72 compagnies aériennes représentées par 84 dirigeants). Elles ont notamment pu écouter l’astronaute Jean François Clervoy, mais aussi Tim Clark, le président d’Emirates, Peter Bootsma - EVP Commercial d’Air France KLM et Marc Rochet, le président de FrenchBee.
La 11e édition se déroulera l’année prochaine à la même date, à Monaco et se penchera très vraisemblablement sur l’environnement et des droits de trafic.

 

Auteur

  • Mathieu Garcia
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