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Transport

Laurent Magnin : "Un agent de voyages français, ou un Français qui part en voyage, tous devraient acheter français"

Entretien
– Problèmes récurrents de compétitivité, dialogue social grippé voire crispé, concurrence étrangère – connue et à venir – agressive, chute du prix du baril de pétrole, mais également atouts indéniables du "meilleur marché du monde". Laurent Magnin, PDG de XL Airways, infatigable défenseur du pavillon français, livre ses recettes pour sauver ce qu'il en reste. Et même pour entamer une reconquête. Il nous a accordé un entretien que nous avons publié dans Le Quotidien du Tourisme.com/Le Mag daté du 3 mars dernier. Le voici dans son intégralité.Une question d’actualité pour commencer : que vous inspirent les récents déboires d’Air Méditerranée ?

Laurent Magnin : D’abord cela m’attriste énormément par rapport à la bataille menée par Antoine Ferretti [PDG d’Air Méditerranée, NDLR] qui essaie de faire vivre son modèle depuis 20 ans. En tant que patron de XL Airways, j’ai déjà expliqué que le moyen-courrier français n’est pas aujourd’hui compétitif par rapport au moyen courrier du reste de l’Europe. Les écarts sociaux entre les compagnies aériennes à l’intérieur même de l’espace européen sont scandaleux. En tant que compagnie française, moi je n’ai pas de leçon à recevoir d’une low cost installée à l’autre bout de l’Europe, qui n’a pas de syndicat, qui fait peu de social, qui utilise des boîtes d’intérim dans tous les sens… Nous ne sommes pas du tout dans le même modèle. Nous sommes enfermés dans un carcan sans aucune souplesse. Notre pays vante partout son modèle social mais demeure une énorme machine à fabriquer du chômage. Il y a une distorsion entre le baratin et la réalité du rapport social. Moi, je mets les pieds dans le plat en disant qu’il n’y a strictement aucune confiance entre les directions d’entreprises et une partie des syndicalistes. L’idée n’est pas de jeter la pierre aux uns ou aux autres mais de dire que, si on ne met pas un terme à cette absence de confiance en se disant qu’on a en face de nous des vrais ennemis de l’emploi français, il n’y aura pas de suite au pavillon français. Cela passe d’abord par une relation de confiance, on ne peut pas rester sur des histoires de postures syndicales et patronales alors qu’on est face à un énorme défi.

Pourtant, on constate une quasi-absence de mouvements sociaux chez XL, non ?

L.M. : Moi je vais plus loin – et du reste ça déplaît parfois souverainement aux structures centrales des syndicats –, j’estime que, dans les moments les plus difficiles, j’ai sauvé l’entreprise grâce à l’intelligence et à la coopération de mes délégués syndicaux, tous syndicats confondus. XL Airways est probablement une compagnie qui a été sauvée, plusieurs fois, grâce au dialogue social. Si la compagnie a rempli une partie de ses objectifs c’est parce que le dialogue social y est une réalité. Ce n’est pas toujours simple mais j’ai des salariés extrêmement concernés par leur compagnie, qui savent que ça peut être très dur. J’ai des délégués syndicaux pour lesquels ce n’est pas toujours facile en interne, parce qu’ils ont le courage de défendre les intérêts de l’entreprise à tout prix.



Vous comprendrez aisément où se situe l’ampleur du défi et aussi que la baisse du prix du pétrole par rapport à ce qui s’est passé sur la parité ne donne pas du tout la marge de manœuvre qu’on pourrait imaginer. Vous faites votre boulot en social, en exploitation, en ouvertures de lignes, etc., ce sont des paramètres qui vont jouer sur 2 % ou 3 % de marge. Un peu comme le tour operating d’ailleurs. Par contre quand vous voyez ce que représentent le fuel et le dollar dans nos modèles économiques, ça montre l’ampleur des défis.

Un défi qui semble impossible à relever

L.M. : Ce qui me rend optimiste, c’est par exemple le fait que depuis dix ans on assiste à un blitzkrieg des compagnies du Golfe. On ne parle que d’elles. Je les remercie de développer le trafic actuellement parce qu’un de ces quatre matins on les survolera. Je ne sais pas où je serai dans dix ans, mais je sais que les compagnies européennes et Air France, même si en ce moment on en bave, ont un objectif. Quand je vois que le patron de Qatar Airways est aussi celui de l’aéroport de Doha… C’est comme si Frédéric Gagey [PDG d’Air France, NDLR] était patron de la plate-forme Roissy CDG… j’imagine que la péréquation des coûts entre la structure aéroportuaire et la compagnie qu’est Air France serait certainement plus équitable en termes d’efficacité pour l’outil aérien qu’est Air France pour la France. De l’autre côté, ils se marrent, ils pensent qu’on est tous des nuls. Eux, c’est un modèle complet. La structure aéroportuaire colle « aux bonbons » de la plus grosse compagnie du pays. On est des naïfs. On est face à des machines de guerre. Et nous, à part s’enfermer avec les partenaires sociaux pendant des mois pour savoir comment on ne va pas créer d’emplois, on fait quoi ? Dans l’aérien, on n’est pas protégé. Je refuse de payer les charges sociales actuelles sur mesu pilotes qui ne sont pas protégés à l’international. Ou alors un matin on va les licencier. Et on ira faire ce que ceux qui nous donnent des leçons font, c’est-à-dire que le modèle européen sera peut-être basé sur de l’intérim. Je ne demande pas d’argent ou de subvention au gouvernement, je lui demande d’arrêter de nous en prendre comme si on était une pompe à fric sans fin.

Dans le même temps, les compagnies du Golfe sont de gros clients des constructeurs aéronautiques...

L.M. : En achetant massivement des avions ces transporteurs ont roulé nos politiques dans la farine : on achète des avions et quand vous ne nous donnez pas les droits de trafi c, on vous menace ! Génial ! Moi, je dis « Merde ! ». Moi, je veux un Air France fort dans mon pays. Il n’y a rien de pire pour une compagnie privée comme nous que d’avoir la plus grosse compagnie de son pays affaiblie. Quand elle l’est tout s’affaiblit autour. Un British Airways fort, c’est un marché anglais fort, un Lufthansa fort, c’est un marché allemand fort, un Air France fort, c’est un marché français fort. C’est aussi ce que doivent comprendre les partenaires sociaux.

C’est donc, selon vous, un problème de volonté politique…

L.M. : Le dogme c’est qu’on nous prend pour des riches parce qu’on achète des avions. C’est faux ! L’aviation est un métier où il y a effectivement beaucoup d’argent, c’est un métier où l’on peut réussir quand il est bien drivé, et certaines compagnies l’ont prouvé. Il y a un modèle en particulier. C’est celui d’Easyjet : les salariés sont payés, ils bossent, ils ne se tripotent pas tous les quatre matins sur les règles sociales. C’est une des compagnies qui attirent les gens quand elles embauchent. Peut-on faire ça en France ? Aujourd’hui, la réponse est : « non ». Et si on est incapable de faire ce que fait un Easyjet en moyen courrier ou demain en long-courrier, il n’y aura plus d’aérien français.



Si on n’a pas avec les partenaires sociaux un contrat de confiance sur le redéveloppement de la croissance de l’aérien, il n’y aura pas de développement, il n’y aura plus de caisse de retraite et surtout il n’y aura plus aucune embauche dans le secteur. On n’embauchera pas ! Ou on est accompagné et soutenu, et on nous aide à résorber des coûts qui ne sont pas liés à notre productivité, ou il n’y aura pas d’embauche. Cela dit, il y a des investisseurs qui y croient et qui regardent les compagnies françaises. Ce qui les obsède ce n’est pas le court terme. Ce qu’ils voient c’est que ce pays est le premier pays touristique du monde. Alors d’accord, Norwegian va arriver. C’est une nouvelle péripétie dont nous surveillerons la pertinence en termes de règles sociales qui risque de nous tomber de dessus. Mais j’en profite pour lancer un vrai message aux Français : « Vous voulez arrêter de nous emmerder avec vos 5 millions de chômeurs ? Quand vous avez 10 ou 20 euros d’écart entre une compagnie française et une compagnie étrangère et ben merde, achetez une compagnie française ! Acheter du Air France, du Corsair, du Air Caraïbes ou du XL Airways ! Ou alors arrêtez de chialer sur le chômage ». Un agent de voyages français, un Français qui part en voyages, il devrait acheter français même avec un petit écart de prix. Quand un client se barre sur une compagnie étrangère pour 15 euros d’écart sur un transatlantique, j’ai envie de lui dire que demain il ne faudra pas qu’il vienne se plaindre si ses enfants ne trouvent pas de boulot.

Justement puisqu’on parle d’investisseurs…

L.M. : On est très engagés dans des négociations avec des fonds pour la reprise de XL Airways. Je suis optimiste pour cette année. À partir du moment où on a sorti des résultats positifs et que nous arrivons à vivre sans aucun soutien actionnarial, je ne suis pas non plus dans l’obsession absolue de trouver un actionnaire. Rétrospectivement ce qui est embêtant c’est qu’avec un actionnaire on aurait pu accélérer le modèle.

Auteur

  • Mathieu Garcia
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