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Transport

ONUR AIR : retour sur des turbulences dans le ciel européen

Nous avons reçu de Thierry Montéran, avocat à la cour, une longue analyse du cas Onur Air.
Compte tenu des conséquences immédiates que l’interdiction de vol de cette compagnie par plusieurs administrations européennes a eues sur l’activité de plusieurs sociétés touristiques et des recours qui pourraient être introduits à plus long terme, nous avons décidé de publier in extenso cette Tribune.
"Alors que, suivant la décision prise par les Pays-Bas, la France, la Suisse et l’Allemagne ont levé conjointement le 24 mai 2005 l’interdiction de vol décrétée contre la compagnie turque Onur Air et que cette compagnie a repris ses vols en direction de l’Europe marquant ainsi un retour à la normale, on estime à 10.000 personnes par semaine le nombre de touristes français affectés par cette mesure. Avant de rechercher les conséquences possibles de la décision d’interdiction de vol, retraçons l’historique de ce litige.
Le rappel des faits
Le 12 mai 2005, la direction générale de l’aviation civile néerlandaise, après un incident concernant un réacteur d’un appareil de la compagnie aérienne Onur Air, décide sans motivation de suspendre l’autorisation de vol. La presse relève "l’existence de déficience de sécurité sérieuse observée, concernant les appareils, les procédures d’opération et la maintenance des avions".
Au nom du principe de précaution, cette mesure est immédiatement suivie par l’Allemagne, la Suisse puis la France cependant que la Grande-Bretagne, l’Italie, la Belgique, l’Espagne et le Danemark continuaient d’autoriser les vols, tout en multipliant les contrôles. Près de 40.000 passagers se retrouvent bloqués avant d’être pris en charge par d’autres compagnies.
Cette suspension de vol provoque immédiatement une crise diplomatique entre les autorités néerlandaises et turques, les autorités turques considérant que cette décision unilatérale avait été prise sans réunion préalable des autorités de régulation aérienne des deux pays alors que les compagnies civiles turques sont soumises aux inspections internationales régulières, à des contrôles des autorités de l’aviation civile et qu’aucune compagnie turque ne présente une défaillance technique qui l’empêcherait de voler. (AFP Fil Economique, 13 mai 2005, 14 h52) La compagnie Onur Air décidait de saisir les tribunaux d’une demande de suspension de cette interdiction. (AFP, 13 mai 2005)
Alors que certains médias relayaient des rumeurs suivant lesquelles la compagnie Onur Air louerait des appareils vétustes immatriculés dans des pays n’offrant pas de garanties (Le Monde, 13 mai 2005), et que les appareils présenteraient de graves déficiences (RTL, 17 mai 2005), il apparaissait rapidement que le sérieux de la compagnie n’était pas en cause et que cette situation allait se débloquer amiablement, d’autant que l’origine de l’incident sur le réacteur n’était pas due à une mauvaise maintenance mais à un "corps étranger" (oiseau ou pierre), ce que confirmait le fabricant allemand des réacteurs MTU (La Tribune, 20 mai 2005).
Une mission technique néerlandaise se rendait alors en Turquie, Onur Air présentait un plan de maintenance pour améliorer son contrôle interne et les experts terminaient leur rapport sur un constat positif (Les Echos, 23 mai 2005).
La compagnie turque Onur Air, créée en 1992, qui exploite 28 avions principalement de type Airbus pour la plupart très récents, réalise un chiffre d’affaires de 450 millions de dollars et emploie environ 900 salariés, effectue 300 vols par semaine entre l’Europe et la Turquie et détient des parts importantes du marché des charters aux Pays-Bas et en Allemagne, est généralement considérée comme une compagnie sérieuse.
Avant même que la Commission européenne, dont il avait été annoncé (Nouvel Obs., 18 et 23 mai 2005) qu’elle se réunirait pour discuter d’une décision concertée concernant Onur Air, n’ait eu le temps de se réunir, les autorités néerlandaises, suivies des autres pays, levaient l’interdiction de vol le 24 mai 2005.
Les conséquences de cette interdiction
Cette suspension de l’autorisation de vol a des conséquences tant au niveau des clients que des professionnels du tourisme.
Rapports entre clients et agences de voyages et conséquences au niveau des clients
Les clients ont acquis auprès d’une agence de voyages un forfait touristique résultant de la combinaison d’au moins deux opérations : transport et logement.
Cette agence de voyages est un professionnel revendant les produits d’un tour-opérateur, lequel est en relation directe avec le transporteur aérien. Comme l’agence de voyages, l’organisateur de voyages reste de plein droit responsable vis-à-vis des clients car il garantit l’exécution conforme du contrat même lorsqu’une partie des prestations est exécutée par d’autres prestataires.
Selon l’article 20 de la loi du 13 juillet 1992, lorsque avant le départ, le respect d’un des éléments essentiels du contrat est rendu impossible par suite d’un événement extérieur qui s’impose au vendeur, celui-ci doit le plus rapidement possible en avertir l’acheteur et l'informer de la faculté dont il dispose soit de résilier le contrat, soit d’accepter la modification proposée par le vendeur.
Au cas d’espèce, il semble que les tour-opérateurs aient immédiatement informé les clients et pris les mesures qui s’imposaient pour faire face à leur responsabilité malgré un coût élevé. Les clients ont eu la possibilité, certes avec retard, d’effectuer les prestations promises et des indemnisations leur ont été proposées.
Selon les déclarations à la presse du PDG de Marmara, l’interdiction de vol a été connue un vendredi soir, à 18 heures 30, après la fermeture des bureaux. Le remplacement immédiat des avions d’Onur Air était quasiment impossible (environ cinq vols par jour aller-retour). (AFP Economie, 15 mai 2005, 13 h 39)
Néanmoins, des appareils de substitution ont été, dans les heures qui ont suivi, mis à disposition des clients, le groupe Marmara déclarant à la presse avoir fait appel à d’autres compagnies, charters françaises, Star Airlines, Blue Line, Air Med et Aigle Azur, avec un coût supplémentaire de 100.000 euros par jour, en reconnaissant des retards de 6 à 8 heures pour les clients (AFP 15 mai 2005)
Lorsque après le départ, l’agent de voyages ne peut exécuter l’une des prestations, il doit proposer au client des prestations en remplacement sans supplément de prix.
En droit, les clients avaient donc, aux termes de l’article 20, le choix entre partir ou réclamer la résiliation du contrat et le remboursement sans pénalités de la totalité des sommes versées. Ainsi, seuls les clients ayant refusé de partir devraient être remboursés de la totalité du prix qu’ils ont acquitté. Sauf exception liée notamment à l’empêchement d’exécuter une prestation essentielle pour le client, aucun dommage intérêt ne peut être réclamé à l’agent de voyages.
On relèvera que le client de l’agent de voyages n’étant pas en relation contractuelle avec la compagnie aérienne Onur Air, une demande d’indemnisation directement dirigée contre Onur Air serait irrecevable.
Rapports entre les agences de voyages et Onur Air
Les agences de voyages se sont trouvées face à la défaillance d’Onur Air en présence d’une difficulté insurmontable extérieure.
Les préjudices subis par le tour-opérateur du fait des surcoûts liés à l’exécution des prestations aériennes par les tiers devraient être pris en charge par la compagnie Onur Air.
La compagnie Onur Air avait annoncé l’introduction d’une procédure de référé visant à faire suspendre l’interdiction de vol prononcée par les autorités néerlandaises et annonçait son intention de rechercher la responsabilité de ces autorités pour le préjudice qu’elle prétendait subir (10 millions de dollars par semaine). Le principe de précaution mis en avant par la DGAC n’est en soi pas une cause exonératoire de responsabilité.
Si la DGAC décide de suspendre une autorisation sans justification légale, l’interdiction de vol sera considérée comme une faute susceptible d’engager la responsabilité de l’État et sa condamnation à réparer le préjudice subi en raison de la faute ainsi commise. Si les autorités administratives restent responsables des décisions qu’elles prennent, les conditions de la solution du litige qui semblent avoir été négociées laissent penser qu’aucune procédure ne sera intentée pour Onur Air.
Le retrait d’une autorisation de vol d’un prestataire aérien peut-il être considéré comme un cas de force majeure exonérant l’organisateur de voyages de sa responsabilité ?
Si le retrait brutal d’une autorisation de vol peut être considéré comme un événement irrésistible, il ne paraît pas remplir le critère d’insurmontabilité car le transporteur est en mesure, ou à tout le moins, doit mettre tout en œuvre pour palier sa défaillance en faisant appel à un autre transporteur. L’interdiction de vol ne peut non plus pour un transporteur aérien être qualifiée d’imprévisible et sa responsabilité semble établie vis-à-vis des agences de voyages affréteurs.
On ne peut être que surpris de constater que la direction de l’aviation civile hollandaise n’a pas motivé, pour des raisons de sécurité, l’interdiction de vol. La compagnie Onur Air a toujours soutenu qu’il s’agissait d’un problème commercial et de concurrence : le choix d’Onur Air au détriment de la compagnie Martinair. En l’espèce, l’éviction d’Onur Air a profité à la compagnie hollandaise Martinair, qui a récupéré ses clients. On comprend mieux dans ces conditions que cette interdiction n’ait pas été suivie par tous les pays, notamment la Belgique, alors que si des motivations touchant la sécurité avaient été réelles, ces pays n’auraient pas manqué immédiatement, suivant le principe de précaution, de prononcer la même interdiction de vol."

Auteur

  • La Rédaction
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