Suivez-nous grâce à nos newsletters S'inscrire

Production

Raouf Benslimane (Ôvoyages): "Celui qui détient le client détient le pouvoir"

Au dernier congrès Selectour à Dubaï, on a appris quels étaient les TO recensés par le réseau et quel taux de commission ils allaient verser. Nouvelles règles dans le premier réseau d'agences de voyages français, concentration dans la production, dans la distribution… Tout cela va-t-il déboucher sur de nouvelles relations entre TO et distributeurs? Raouf Benslimane, président de Thalasso n°1/ ÔVoyages, nous livre son analyse.

 
QDT: Comment les conditions de référencement du réseau peuvent-elles permettre à un TO de s'en sortir? surtout un TO 100% B2B?
Raouf Benslimane: Je vais être clair sur cette question. Pour un TO exclusivement dédié aux agences de voyages comme nous, qui prend des risques très importants en faveur de la distribution, et vu nos marges et nos dépenses d’investissements qui sont totalement financées sur nos fonds propres, il n'est pas question de payer un euro supplémentaire de rémunération. J'avais d’ailleurs demandé s'il n'existait pas une catégorie aluminium ou cuivre pour payer moins !
 

QDT: Sauf que pour la période 2019-2021, votre tour-opérateur, Thalasso n°1/ ÔVoyages, est désormais en catégorie "Silver", soit 13% de commissionnement sur les ventes + 2,5% pour le siège de Selectour...

Raouf Benslimane: Laurent Abitbol, que je connais et qui surtout me connait mieux que personne depuis près de 15 ans et à qui je l’avais demandé, a eu le courage de s’engager sur le pilotage des ventes liées à une production incontournable que nous apportons au marché. C'est donc à titre exceptionnel, en raison de ma relation avec l’homme, sa parole et sa détermination aussi pour défendre les intérêts de son réseau que nous avons accepté le nouveau référencement. En dehors de Laurent Abitbol, je ne crois personne capable de s’engager sur une croissance des ventes (pardon, si ! mais c'est confidentiel…). Nous allons donc compenser la rémunération demandée par du volume sur des destinations et des paniers moyens supérieurs, ce qui devrait être aussi tout bénéfice pour les agences.

QDT: Le pilotage des ventes peut-il se faire au moment où le tour-opérateur le veut ou en a besoin ? 

Raouf Benslimane: Comme pour tout distributeur et pour tout canal de vente, c'est au TO d’animer son marché. Le distributeur prend et vend ce qu'on lui donne, et aussi de temps en temps ce qu'il demande. C’est à nous, professionnels, de modeler le marché, et pas le contraire, à nous de provoquer la demande!
Dans l’industrie automobile, le management et les designers créent tous les ans des modèles de voitures que personne n'a demandé , les Peugeot 508, Citroen c4 c5… sont lancées et se vendent comme des petits pains parce que tout simplement tous les ans le parc automobile se renouvelle.

Pour Selectour, j'ai demandé s'il n'existait pas une catégorie 'aluminium' ou 'cuivre' pour payer moins !


Dans le voyage qui est devenu une industrie de grande consommation pas chère et facile à consommer, c'est pareil. Les Français partiront en vacances ou en voyages mais c’est à chacun de créer la gamme de produits qu'il pense la plus adaptée pour provoquer la demande. Quand j'ai lancé Thalasso n°1 -au pire moment, après le 11 septembre-, il fallait juste avoir la vision de cette nouvelle tendance de consommation du bien-être. Anticiper une offre justifiée par une société qui allait entrer dans une ère de mal-être. Au mal-être, on apporte des solutions de bien-être. Sur les Canaries où personne n'allait, nous avons créé une forte demande ! Sur les clubs, idem: nous sommes plusieurs TO à aller dans le même sens pour provoquer la demande. Ensemble, distributeurs et producteurs, nous devons faire le marché.
 

QDT: Dans un contexte de concentration du tour operating croissante en France, quelle place reste-t-il selon vous pour les TO indépendants?

Raouf Benslimane: Sauf à apporter une vraie différence, il n'y aura aucune place pour les TO indépendants, petits ou plus imposants comme le nôtre. C’est pourquoi d’ailleurs il n y a plus grand-monde. Nous faisons partie des rescapés puisqu’à ce jour les indépendants ont disparu, été obligés d’ouvrir leur capital ou été totalement absorbés. La différence se fait par un réel savoir-faire sur un métier ou sur un segment de production. D'un tour-opérateur, les agences de voyages attendent de la valeur ajoutée, du service et... du service! C'est ça le très gros plus. Car plus vous leur apportez ce qu’elles-mêmes sont censées apporter à leurs clients, plus vous les soulagez et plus elles feront appel à vous. Et cela n’est possible que lorsque votre capacité d’action et d’anticipation n’est pas contrariée par la taille et la lourdeur du groupe auquel vous appartenez. C'est la grande carte dont disposent les indépendants, comme nous, et les petits TO. C’est ce travail prioritaire du service que nous menons actuellement. Et nous allons le livrer aux agences dans peu de temps.
 

Ensemble, distributeurs et producteurs, nous devons faire le marché.

QDT: On assiste également à un phénomène de concentration dans la distribution. Laurent Abitbol, président de Marietton, a laissé entendre à Dubaï qu'il projetait le rachat de deux autres réseaux d'agences de voyages. Cela laisse-t-il un espace encore possible pour les TO?

Raouf Benslimane: A l'époque du rachat de Fram et de Look, j'avais dit déjà que le pouvoir était entre les mains de la distribution, ce qui m'avait valu un petit sourire en coin. Or, le pouvoir est toujours entre les mains de celui qui détient le client. Et c’est bien l'agence de voyages qui détient le client… Le TO qui va chercher le client en direct remet en cause ou fait évoluer son modèle pour sa survie. Et là est le danger qui guette la distribution et qu’elle peut et doit éviter.
On voit bien que le problème posé par le groupe Marietton -puisque c'est le sujet- est celui de la concentration de la distribution. Quand tout le monde s'attendait à une concentration de la production, la question aurait été "comment les agences peuvent-elles apporter de la valeur ajoutée à leurs clients, si elles n'ont le choix qu’entre deux TO majeurs, comme en Belgique ou en Allemagne?".  Bien qu’en réalité, ils soient 5 (TUI, Thomas Cook, Der Touristik, FTI et plus loin Schauinsland) à se partager le gâteau, mais de façon inégale…
Je vais vous surprendre mais pour les TO, une concentration de la distribution sans être forcément réjouissante, est peut-être moins grave qu’une concentration de la production qui signifierait beaucoup de morts ou d’absorbés parmi les fournisseurs dont nous sommes.
 

Pas d'autre choix que d'exercer le métier de tour-opérateur sans tricher.

QDT: Pourquoi est-ce moins grave? Qu'est-ce que cela implique?

Raouf Benslimane: Aujourd’hui, avec une distribution ultra-puissante et en face un tour operating éclaté, la seule façon de s'en sortir est d’apporter une vraie valeur ajoutée. Vous n’aurez pas le choix que d’exercer votre métier de tour opérateur sans tricher. C’est-à-dire rester ancré sur les fondamentaux du métier quand tout le monde s'en éloigne aujourd'hui: aller là où personne ne va, défricher de nouvelles destinations, prendre des risques et offrir des stocks terrestres et aériens quand tout le monde ne veut plus le faire.
Un tour-opérateur ne doit pas faire que du package dynamique ou des clubs, il doit faire son métier de risqueur. Mais sans non plus arroser le marché avec des stocks surdimensionnés, comme si la France était l’Allemagne où l’activité outgoing pèse plus de 25 milliards quand chez nous, c'est 6 milliards maximum…
 

Il y a un vrai danger d'éclatement du marché mais aussi d'assèchement de la distribution.

QDT : Est-ce que les distributeurs ne sont pas en train de jouer avec le feu?

Raouf Benslimane : Malheureusement plusieurs acteurs ne pourront pas suivre la cadence à marche forcée vers le "toujours plus", en charges, en investissements, en risque, en rémunération, et il y aura forcément des dégâts. Des TO sont en train de changer leur modèle, voire s'y sont inscrits pour certains depuis leur création. Cela consiste pour les uns à ne faire que du package dynamique. D'autres TO n'ont jamais caché leurs velléités de développer un réseau en propre et donc d'aller chercher le client en direct. C'est un vrai danger d’éclatement du marché mais aussi d'assèchement de la distribution, sauf pour un réseau à posséder son ou ses TO maison…

Nous gérons des risques, mais avec notre argent !


Quant aux gros TO, on voit bien qu'ils sont en perte car ce sont eux qui supportent et prennent le plus de risques. Il est légitime qu'ils défendent leurs positions. Chez Thalasso n°1/ Ôvoyages, nous sommes au même niveau de risque que les TO majeurs.  Mais notre gestion, différente, nous permet de calibrer de façon précise nos stocks par rapport au marché afin de garantir les meilleurs remplissages et éviter les pertes. Ce que nous faisons au quotidien est quasiment comparable aux traders et salles de marché. Nous gérons des risques, mais avec notre argent !
 

QDT: Et si Selectour rachetait un tour-opérateur?

Raouf Benslimane: Je veux rappeler que du temps de Jean-Pierre Mas [précédemment président de Selectour, NDLR] , le sujet était déjà sur la table avec Fram. Il n'est donc pas absurde de se poser la question.
 

Un séisme qui pourrait avoir le même effet boule de neige que les révolutions arabes...

QDT: Aurait-on intérêt dans le tour operating à voir se développer une plate-forme multi-TO en ligne donc à jouer la carte du B2C?

Raouf Benslimane: Tout le monde sait que certains, dont notamment les plus gros TO, réalisent 50%  au moins de leur chiffre d'affaires avec les agences tierces… Pour créer une plateforme multi-TO, il faudrait une volonté, une entente, une cohésion de tous les tour-opérateurs. Or cela n’est pas à l'ordre du jour.
 

QDT: Que vous inspire la situation mouvementée en France avec déjà des baisses dans les ventes notamment de voyages cet hiver?

Raouf Benslimane: Dans un contexte de changement de paradigme à tous les niveaux, les sujets égoïstes des intérêts respectifs de chacun ne doivent pas nous faire perdre de vue les enjeux supérieurs qui secouent actuellement la société française. Je m'inquiète du lien 1789-2019 et d'une vraie 2e révolution française , qui pourrait impacter encore plus fortement la profession qu'elle ne l'est déjà actuellement. Les Français ne réclament plus de l'argent mais un nouveau modèle social et financier plus juste et où les plus de 50% de la richesse ne soient pas détenus par 10% de la population. Ce qui se passe actuellement est un véritable séisme qui pourrait avoir le même effet boule de neige que les révolutions arabes, cette fois-ci dans toute l'Europe et au-delà.
Selectour Laurent Abitbol Ôvoyages

Auteur

  • Myriam Abergel
Div qui contient le message d'alerte

Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Déjà abonné ? Créez vos identifiants

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ? Remplissez les informations et un courriel vous sera envoyé.

Div qui contient le message d'alerte

Envoyer l'article par mail

Mauvais format Mauvais format

captcha
Recopiez ci-dessous le texte apparaissant dans l'image
Mauvais format

Div qui contient le message d'alerte

Contacter la rédaction

Mauvais format Texte obligatoire

Nombre de caractères restant à saisir :

captcha
Recopiez ci-dessous le texte apparaissant dans l'image
Mauvais format