Warren Buffett, c’est de l’investissement long terme – voire très long terme – mais c’est aussi de nombreux conseils dont le plus célèbre est : Il ne faut jamais parier contre l’Amérique
Mais pourquoi ce titre, alors qu’il y a encore à peine 4 mois, au moment de la prise de fonction de Donal TRUMP, tout le monde pariait sur l’économie américaine ?
Petit rappel : le 2 avril 2025 Donald TRUMP a déclaré ce jour comme celui de la « libération ».
Vous avez tous suivi les épisodes, sur les surenchères des barrières douanières, puis le gel de la mise en place de ces taxes, et c'est ce qui explique l'étonnant déroulé du mois d'avril en bourse, lequel a flirté avec le krach avant de se redresser de façon spectaculaire.
Rappelons-nous également du WE de Pâques (20 et 21 avril), avec la multiplication des attaques de Donald Trump contre Jerome Powell, le président de la banque centrale américaine. Pour faire simple, selon Donald TRUMP, si la situation actuelle est douloureuse pour tout le monde, c'est la faute de la Fed. Et on lit très bien entre les lignes ce qui se profile si la politique économique de la Maison Blanche venait à tourner au désastre : ce sera la faute de Powell et de son refus de baisser les taux. Conséquence(s) directe(s) : le dollar s’est ramassé, les rendements obligataires US ont bondi, et l’or a filé vers des sommets encore inexplorés, flirtant avec les 3500 USD l’once.
Mais quand est-il de l’exceptionnalisme américain ?
En effet, cette conviction est aujourd’hui remise en question, notamment à cause de la politique commerciale de Donald Trump. Bien qu'il soit possible de soutenir que l'exceptionnalisme américain reste pertinent à long terme, il est actuellement mis à l’épreuve sur le plan conjoncturel. Les États-Unis restent la première économie et le premier marché financier mondial, mais la volatilité récente et l'évolution des dynamiques mondiales ont conduit de nombreux investisseurs à reconsidérer leur exposition.
L'exceptionnalisme américain a été un thème majeur sur les marchés financiers. Selon l'étude « Global Investment Returns Yearbook 2025 », un dollar investi dans les actions américaines en 1900 aurait atteint 2 911 dollars en termes réels (après inflation) fin 2024, contre 194 dollars pour les actions hors États-Unis sur la même période.
De 2020 à 2024, les actions américaines (indice MSCI USA) ont surperformé les actions hors États-Unis (MSCI AC World ex-US) de 72 points de pourcentage, portées par un boom post-pandémie qui a vu le PIB nominal américain progresser d'environ 35 %, parallèlement à une forte croissance des bénéfices des entreprises et à des avancées technologiques rapides.
Cependant, les préoccupations récentes des investisseurs concernant les droits de douane américains, l'indépendance de la Fed, le rôle mondial des États-Unis et la valorisation élevée des actions américaines par rapport à leurs pairs ont conduit à une sous-performance et à une volatilité accrue des actifs américains.
Le dollar américain et les bons du Trésor, historiquement considérés comme des actifs défensifs, ont reculé dans un contexte de forte volatilité. La forte dépréciation du dollar a laissé les investisseurs européens s’interroger sur l'intérêt d'investir dans les actifs américains en devise locale.
Alors faut-il garder son exposition aux actions américaines ?
Les États-Unis représentent actuellement environ 60 % de la capitalisation boursière mondiale des actions. Cela signifie que la majorité des gérants de fonds détiennent une part importante d'actions américaines, reflétant la domination des sociétés outre- Atlantique. En pratique, de nombreux investisseurs allouent naturellement davantage à leur marché domestique (parfois de 10 à 20 points de pourcentage) en raison d'incitations fiscales ou d'une meilleure connaissance du marché.
Selon-moi, un profil investisseur « équilibré », doit avoir une large exposition aux actions américaines (MSCI USA). D'un point de vue pratique, nous pouvons estimer qu'une allocation de 50 % de la poche actions d'un portefeuille équilibré aux actions américaines (soit 25 % du portefeuille global) constitue une allocation de long terme appropriée.
Faut-il avoir des obligations en dollars ?
L'allocation en obligations est plus complexe, en particulier pour les investisseurs non américains. En effet, le facteur déterminant pour la performance obligataire est la devise de l'obligation, et non le pays d'origine de l'émetteur.
La plupart des grandes entreprises émettent d'ailleurs des obligations dans plusieurs devises. La majorité des investisseurs privilégient une exposition obligataire dans leur devise domestique. Même dans les devises moins répandues, il existe généralement un marché liquide pour les obligations d'État, mais la diversification au sein des obligations d'entreprises est souvent difficile, et la liquidité sur le marché secondaire peut être faible. C'est pourquoi une approche mixte est nécessaire, avec un noyau en devise domestique et une exposition couverte en devise sur des marchés obligataires plus diversifiés et liquides. Le marché obligataire est complexe et mon conseil est de travailler avec des grandes maisons de gestion comme DNCA ou Lazard.
Comment aborder le dollar après la récente dépréciation ?
Récemment, le dollar américain ne s'est pas comporté comme une « valeur refuge » : les craintes des investisseurs quant à la fin de l'exceptionnalisme américain ont entraîné un affaiblissement du dollar. Ainsi, pour certains investisseurs non américains, couvrir tout ou partie de leur exposition aux actions américaines peut désormais offrir à la fois une amélioration du rendement et une réduction de la volatilité, ce qui tranche avec les dernières années où la couverture du dollar était moins attractive.
Je pense que la faiblesse du dollar est provisoire. En effet, les nouvelles barrières tarifaires étant jugées particulièrement pénalisantes pour l'économie américaine, les investisseurs du monde entier détenant des actifs financiers en dollars sont incités à les vendre. Les marchés commencent ainsi à anticiper un retour à la stagflation outre- Atlantique, c'est-à-dire une très faible croissance conjuguée à une reprise de l'inflation.
Cependant les partenaires commerciaux des États-Unis devraient subir aussi les effets négatifs des droits de douane, surtout s'ils ripostent en prenant des mesures similaires.
Au cours des dernières décennies, un ralentissement de l'économie américaine s'est toujours étendu au reste du monde. Or, quand la conjoncture mondiale se détériore, le dollar joue généralement un rôle de valeur refuge en se renforçant contre la plupart des devises - le franc suisse - faisant exception.
Pour que le billet vert reste durablement faible vis-à-vis des autres grandes devises telles que l'euro, comme cela était le cas en 2020 ou en 2016-2017, il faudrait surtout que le rendement relatif des actifs américains diminue. Ce qui n'apparaît guère probable aujourd'hui.
Le taux directeur de la Réserve Fédérale devrait atteindre 3 75% à la fin de 2025, tandis que celui de la Banque Centrale Européenne tomberait alors à 1,5%. La monnaie américaine devrait donc finir par trouver un soutien, surtout si la croissance s'affaiblit un peu partout dans le monde.
Reste la tentation que l'on prête à l'administration Trump de faire baisser le cours du dollar. Ce dernier serait surévalué de façon chronique, du fait de son statut de monnaie d'échange et de réserve mondiale. Ce qui selon le conseiller économique du président Stephen Miran est la cause principale du déficit commercial des États-Unis.
Certes, une dépréciation du billet vert permettrait de renchérir leur importation et d'améliorer la compétitivité des produits qu'ils exportent, mais en même temps, elle risque d'affaiblir son attrait aux yeux des investisseurs étrangers, qui financent l'économie américaine en détenant des bons du Trésor.
De plus on ne voit pas quelles devises pourraient disputer au dollar son hégémonie mondiale. La Chine, principal challenger des États-Unis, n'a pas intérêt à promouvoir sa propre monnaie. Une forte appréciation du yuan pourrait en effet casser sa croissance à l'instar de ce qui s'est passé au Japon avec le yen à partir du milieu des années 1980 à la suite des accords du Plaza.
Les marchés Actions proches de leurs sommets ?
Les marchés actions occidentaux donnent l'impression d'avoir retrouvé leur cape d'invincibilité depuis qu'il est clairement apparu que les conseillers sérieux de Donald Trump ont pris le dessus.
Wall Street a récupéré la totalité des pertes accumulées après l'éphémère épisode des droits de douanes réciproques.
L'indice S&P 500 ne cède plus que 3,7% en 2025, contre une jauge à -21% le 7 avril dernier.
L'Europe s'en sort encore mieux avec un Stoxx Europe 600 qui porte ses gains à 5,5% en 2025.
Comme déjà dit dans les derniers points marchés, l'administration Trump a besoin que ça « brasse » autour des discussions sur les droits de douane, pas forcément que des accords soient gravés dans le marbre. Le marché boursier continue à acheter le bruit, tant qu'il va dans le sens d'un apaisement.
Je vais conclure en reprenant celle du dernier point marché, à savoir qu’une allocation « Action » est un investissement à horizon 5 ans et qu’il y a actuellement des opportunités et un autre conseil de Warren Buffett est :
« La plupart des gens s’intéressent aux actions lorsque tout le monde s’y intéresse. Le moment d’être intéressé est quand personne d’autre ne l’est. Vous ne pouvez pas acheter ce qui est en vue et réussir. »
Patrick Gautier Valoria Capital