Organisée par APG à Malte du 23 au 25 octobre cette édition a réuni plus de 70 compagnies aériennes
Il faut dire que les sujets ne manquent pas !
D’ailleurs la question posée cette année était « Le transport aérien est dirigé par les instances économiques ou politiques ? ».
À défaut de réponses binaires, on constate déjà les interrogations causées par la grève chez Boeing, les recherches non abouties à ce jour sur les biocarburants et toutes les initiatives et alternatives en cours pour créer une rupture technologique.
Les gouvernements sont le plus souvent impliqués tant les enjeux aussi bien économiques, notamment les milliers d’emplois générés par l’industrie aéronautique que sur les politiques de soutien aux compagnies nationales.
la disparition de pans entier du transport aérien ?
L’avion : une schizophrénie française
« Beaucoup de gouvernements soutiennent leurs compagnies aériennes, c’est même considéré comme vital pour la prospérité nationale. Nous avons pu nous en rendre compte lors de la dernière crise sanitaire. C’est ce qu’on appelle l’obligation de service public afin de maintenir le rôle essentiel de l’état, mais parfois non rentable. Par exemple la Nouvelle-Zélande s’oblige à relier ses régions totalement isolées. Ces subventions sont parfois perçues comme de la concurrence déloyale rendant les gouvernements quelque peu schizophrènes », explique Yannick Assouad, Ingénieur diplômée de l'Institut national des sciences appliquées de Lyon et de l'Illinois Institute of Technology de Chicago, actuellement EVP Thales Avionics.
le pavillon français perd des parts de marché chaque année !
Lors de la table ronde sur le soutien étatique aux compagnies aériennes, le projet de loi de Finances français pour 2025 qui prévoit, en plus des taxes existantes, une augmentation d’un milliard d’€ par an de la taxe de solidarité sur les billets d’avion a été vivement critiqué. « Alors que le pavillon français perd des parts de marché chaque année, punir une fois de plus nos propres compagnies est complètement schizophrénique, on va dans la mauvaise direction, dans celle de la taxation plutôt que de l’investissement », s’est offusquée Christine Ourmières-Widener, présidente d’Air Caraïbes et de French Bee.
Nouvelle taxe; le vrai du faux
De la décarbonation à l’action…
« On ne peut pas décarboner aussi vite une industrie qui repose sur le pétrole », Steven Udvar-Hazy, homme d'affaires américain à la tête d'Air Lease Corporation, a mis les pieds dans le plat lors de sa présentation et de son intéressante discussion avec Marc Rochet. Et de poursuivre, « Nous ne pouvons pas parier sur les biocarburants à cause des coûts, du manque de soutiens gouvernementaux sur la filière et des entraves liés à la distribution. Je pense que l’industrie aéronautique parviendra à la neutralité carbone autour de 2050. ». À la tête du leader du leasing aérien mondial, Air Lease Corporation, Steven Udvar-Hazy est bien placé pour constater que le mouvement de grève qui se poursuit chez Boeing, paralyse petit à petit l’ensemble de l’industrie et fait perdre au constructeur près d’un milliard de dollars par mois !
Les retards de livraisons d’avions s’accumulent, au moins 5 à 6 ans pour les 777X ou 737max, retardant d’autant la mise en circulation d’avions plus ‘propre’, pire, cela empêche les opérateurs d’investir dans l’avenir, au moment où l’aérien a besoin de redoubler d’efforts afin d’imaginer son futur forcément plus écologique.
Disparité sans disparaitre
Lors de la 15e édition d'APG World Connect, on a pu se rendre compte à quel point, petites et grandes compagnies, soutenues ou totalement indépendantes, les acteurs de l’aérien ne jouent pas tous dans la même cour. Adel Abdullah Al-Ali, PDG d’Air Arabia, a expliqué lors de son intervention très remarquée, combien le gouvernement des Émirats-Arabes-Unis avait mis les moyens en faveur du développement d’Air Arabia : construction d’un aéroport, beaucoup d’espaces pour une rapide expansion, investissement de plusieurs milliers de dollars et des infrastructures adéquates. Résultat, la compagnie est passée en moins de 15 ans d’un seul avion à 85 aujourd’hui. La compagnie est valorisée en 2024 à 5,5 milliards de dollars.
Pour Allan Kilavuka, PDG de Kenya Airways Group, « Il est important de ne jamais trop dépendre de son gouvernement et garder sa souveraineté économique. Car quand il y a des soucis politiques, c’est vous qui coulez ! ». Sur la question de la concurrence déloyale qu’exercent les compagnies favorisées par leurs États, la réponse fut très claire « Est-ce que c’est juste ? » Réponse simple : « la vie est injuste ».
APG World Connect 2024 qui était venu au Westin Dragonara à Malte réfléchir à l’avenir de l'aérien a passé sa dernière soirée de gala dans l’ancien hôpital construit par l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, dans les salles de soins de la Sacra Infermeria, façon sans doute de soigner les plaies et blessures d’un secteur en pleine tourmente.