Alors que le voyage d’affaires reprend de la vigueur, la SNCF affiche une croissance solide dans le secteur B2B. Frederic Laurent-Miel Directeur distribution TGV, revient pour nous sur les tendances, les défis et les perspectives pour 2025
Interview : Frédéric Laurent-Miel, directeur distribution TGV
Quotidien du Tourisme : Quelles sont les performances globales de la distribution ?
Frédéric Laurent-Miel : Le secteur du BtoB et du digital restent en croissance, à l’image de l’ensemble de la mobilité ferroviaire. C’est un bon indicateur de la santé de ce segment. Les entreprises continuent de privilégier le rail, ce qui nous encourage à continuer les investissements.
Quotidien du Tourisme : Et pour le business travel ?
Frédéric Laurent-Miel : Le point intéressant est la reprise globale, toutes tailles d’entreprises confondues. En 2024 la croissance était portée par les PME, avec notamment beaucoup de nouvelles souscriptions de contrats professionnels grâce aux réductions de la Carte Liberté que nous avons proposées. Cette année, c’est au tour des grands comptes de retrouver les scores d’avant Covid et même de les dépasser. Cette dynamique est portée, entre autres, par le dynamisme économique et un besoin retrouvé de mobilité après une période de restrictions.
Quotidien du Tourisme : Ce segment est essentiel pour vous ?
Frédéric Laurent-Miel : Absolument. Tous nos segments de clientèle sont importants, mais les voyageurs d’affaires jouent un rôle majeur dans notre modèle car ce sont les voyageurs fréquents. Nous progressons beaucoup, encore davantage en 2025, avec les TMCs, et le nombre d’entreprises qui bénéficient de nos programmes « Corporate » est également en croissance
Quotidien du Tourisme : Qu’en est-il du sujet qui a fait débat il y a un an et demi avec Ouigo et la volonté des TMCs de s’ouvrir à la vente de ce produit qui n’était pas un produit « pro » à la base ?
Frédéric Laurent-Miel : Comme vous le savez, Ouigo n’était pas conçu pour une distribution via les canaux B2B. Mais la demande des agences était forte. Après une phase d’adaptation technique, la distribution a pu se faire. Ce fut progressif, en fonction des capacités des intermédiaires à intégrer cette offre. Aujourd’hui, elle est bien distribuée et elle remplit son rôle d’offre « de complément » pour les voyageurs Pro qui ont besoin d’utiliser ces lignes occasionnellement. La part de Ouigo dans cette distribution reste en dessous de 3%. Son utilisation reste marginale pour bénéficier de dessertes supplémentaires longue distance à certains horaires. Nos voyageurs d’affaires restent bien sûr attachés au service de TGV INOUI.
Quotidien du Tourisme : Toutes les agences distribuent-elles donc Ouigo aujourd’hui ?
Frédéric Laurent-Miel : À quelques exceptions, oui, car certaines font le choix de ne pas vendre cette offre, et certains outils d’intermédiaires techniques sont encore en développement pour proposer toutes les options. Ouigo ne reposait pas nativement sur les mêmes techniques de vente et de back-office que les offres classiques. Mais aujourd’hui, une majorité d’agences y ont accès grâce à une intégration stable.
Quotidien du Tourisme : Avec la fragmentation des offres régionales (anciens TER) les agences craignent une plus grande complexité ?
Frédéric Laurent-Miel : SNCF est concerné tout autant car nos canaux vont devoir s’adapter comme tout le reste du secteur. Les offres ne seront plus directement dans nos interfaces, et seront hébergées dans des nouveaux systèmes différents. Ce sera effectivement plus complexe pour tous les distributeurs, mais c’est le sens de l’histoire et de la libéralisation du ferroviaire avec l’autonomie des régions. La concurrence en Europe, dans notre secteur comme dans d’autres, se généralise. Chaque région peut confier ses lignes à des opérateurs distincts. Les distributeurs et intermédiaires techniques vont devoir s’adapter aux nouvelles interfaces que les régions proposeront, chacun devra agréger de nouveaux contenus. Le rôle de SNCF est bien sûr d’accompagner les régions dans cette transition et de sensibiliser nos partenaires avec nous sur ces adaptations nécessaires. Nous y serons tous confrontés pour distribuer ces nouvelles offres dès les années à venir.
Concurrence, image et perspectives
Quotidien du Tourisme : Vous parliez de la concurrence. Elle s’installe sur les lignes les plus rentables. Cela vous inquiète-t-il ?
Frédéric Laurent-Miel : La concurrence a toujours été là, avec la route et l’aérien, elle se renforce avec l’arrivée de nouveaux opérateurs ferroviaires. C’est une réalité qui s’est concrétisée aussi dans de nombreux pays voisins. SNCF s’y adapte bien sûr. Nous veillons à nous améliorer constamment sur notre offre, notre régularité et nos services pour rester l’opérateur préféré. Et en parallèle nous visons aussi les marchés européens autour de nous en nous développant ailleurs, comme en Espagne où nous sommes devenus un opérateur qui compte, et nous remportons aussi des appels d’offres régionaux.
Quotidien du Tourisme : Justement, comment évolue l’image de la SNCF auprès du public ?
Frédéric Laurent-Miel : Notre image reste liée à un historique national. Globalement elle reste positive : les voyageurs confirment le choix modal de la décarbonation et reconnaissent nos efforts sur la qualité de service et nous avons encore gagné des points en indicateurs de satisfaction l’an passé. Le succès français du TGV, et notre maillage territorial important en région continuent de faire progresser le train en France et contribuent à l’attachement envers SNCF. Mais il y a aussi des attentes fortes, notamment sur les tarifs où nous continuons de proposer toujours plus d’offres grâce aux promotions et nos cartes de réduction, les prix Ouigo. Cela permet de proposer plus de la moitié des billets à petits prix.
Le futur TGV INOUI (appelé initialement TGV-M), connectivité et confort : une nouvelle génération arrive
Quotidien du Tourisme : Le futur TGV INOUI est attendu pour 2026. Quelles innovations concrètes apportera-t-il ?
Frédéric Laurent-Miel : Le futur TGV INOUI, c’est à la fois plus d’es pace, plus de connectivité, plus de capacité et une empreinte carbone réduite. Grâce à de nouveaux matériaux et à une conception éco-pensée, nous pourrons proposer plus de places pour les passagers et les bagages. Nous sommes parvenus à augmenter les capacités (jusqu’à 20% de places supplémentaires), ce qui était nécessaire, car nous nous trouvions en tension avec l’augmentation de la fréquentation, tout en améliorant la qualité et le confort. Les nouvelles rames seront également plus économes en énergie et profiteront d’une maintenance prédictive favorisant leurs disponibilité et efficience. Vous pourrez avoir un aperçu sur notre stand du salon IFTM !
Quotidien du Tourisme : Et pour le Wi-Fi ?
Frédéric Laurent-Miel : La qualité du Wi-Fi dépend beaucoup moins des rames que des infrastructures extérieures et de l’amélioration des réseaux mobiles. L’aménagement de nos rames vise à toujours favoriser la meilleure captation et répartition du signal pour les passagers, que ce soit sur le wifi ou les signaux télécoms, même s’il existe une contrainte matérielle forte. Cartes, multimodalité et recommandations aux agences
Quotidien du Tourisme : Quels conseils donneriez-vous aux agences pour mieux vendre le train ?
Frédéric Laurent-Miel : Les agences jouent un rôle crucial et effectuent un travail très efficace sur la prescription et la facilitation de l’achat des billets de trains. Les recommandations que nous formulons à nos partenaires sont notamment de valoriser les services, la Carte Liberté et nos applis pour accompagner les voyageurs lors de leurs trajets (l’app TGV INOUI PRO par ex.). Nous les encourageons à proposer ces solutions qui répondent aux attentes des voyageurs d’affaires au cours de leurs déplacements avec les facilités d’échange, le placement à bord, les salons voyageurs etc.
Quotidien du Tourisme : Justement, la Carte Liberté continue-t-elle sa progression ?
Frédéric Laurent-Miel : Oui. Nous avons maintenu en 2025 une offre très attractive pour les voyageurs d’affaires : 349€ par an ou même 299€ en contrat PRO, amortis en six voyages seulement. Le succès est au rendez-vous. Nous avons décidé de pérenniser ce tarif après le succès de notre promotion 2024 et les fortes adhésions que cela a généré.
Une année 2025 sous de bons auspices ?
Quotidien du Tourisme : 2025 sera-t-elle meilleure que 2024 ?
Frédéric Laurent-Miel : Tous les indicateurs sont favorables. Nous avons évoqué la nette reprise du business travel et du loisir, et nous n’observons pas le même recul que l’année dernière pour cause des JO qui avaient dissuadé bon nombre de Français dans leurs déplacements. Nous avons retrouvé la forte dynamique des années post-COVID, ce qui est une bonne nouvelle pour le transport écologique. Il y aura toujours des aléas, mais la tendance est clairement à la hausse. L’été 2025 a d’ailleurs été très performant puisque nous avons battu des records de fréquentation à bord de nos TGV.
Quotidien du Tourisme : Dernière question sur les prix. Vous les avez augmentés ?
Frédéric Laurent-Miel : Nous avons limité l’augmentation en 2025 de façon à être en dessous de l’inflation sur le principe du boucler tarifaire que nous avons toujours appliqué. C’est notre participation à protéger les Français dans leur pouvoir d’achat. Mais vous savez que les prix varient selon la demande : les trajets très fréquentés peuvent paraître chers parfois sur les dates les plus demandées. Mais sur les périodes moins en tension, vous pouvez trouver des petits prix d’entrée et toujours des prix modérés grâce à l’anticipation d’achat et aux programmes de réduction accessibles à tous.
