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I-Tourisme

Festivals : faire cohabiter exigences et spectaculaires

Aujourd’hui, le festival est un objet aux potentialités infinies mais dont la survie dans le temps s’avère bien souvent ardue

Si l’on s’attarde sur les définitions des festivals proposées par les chercheurs, les Institutions publiques, les acteurs privés tels qu’Emmanuel Négrier qui voit dans chaque festival, une « manifestation limitée dans le temps et dans l’espace, proposant une programmation ciblée autour d’un thème, d’une esthétique, d’une pratique instrumentale ou tout autre intention culturelle et artistique, associant l’idée de spectacle à celle d’animation festive », et si l’on tente de poser les bases de ces objets culturels, il est facile de comprendre toute la difficulté à saisir cet objet de façon absolue et unique.

par : Aurélien Dubois – Président ROKH et Constellation et Président de la Chambre syndicale des lieux musicaux festifs et nocturnes

Il existe une pluralité de festivals, avec autant d’objectifs que de fonctions sociales et sociétales associées.

Ces objets culturels complexes s’inscrivent dans l’Histoire comme dans les histoires de tous. S’ils sont issus de diverses origines, Pascal Ory nous rappelle que c’est au 20ème siècle que le festival prend sens et ampleur. Ils sont rapidement devenus le symbole de l’expression originale d’un territoire comme d’un secteur culturel. Aujourd’hui, le festival est un objet aux potentialités infinies mais dont la survie dans le temps s’avère bien souvent ardue.

Tendance #1 : L’indépendance

Particulièrement soutenu par les politiques culturelles des gouvernements français successifs, le festival se développe en grande partie grâce aux subventions publiques. Une aide précieuse qui incarne le traitement réservé par le monde politique à la Culture et la création artistique. Oscillant entre défense de la culture et développement innovant de celle-ci, les politiques culturelles ont largement influencé la construction du modèle économique du festival. L’aide d’un État comporte évidemment des avantages et des limites : si le soutien financier au développement et à la production d’événements culturels permet à des structures de valoriser des talents et d’émerger aux yeux de tous, le conservatisme structurel au niveau du raisonnement économique qui découle de ce modèle de la subvention publique a des répercussions autant sur le budget que sur le contenu de l’événement.

Il faut souligner que l’investissement public en matière de Culture a significativement diminué : entre coupe budgétaire et volonté de soutenir le plus grand nombre, l’accès et l’obtention des précieuses subventions se sont complexifiés alors même que la dépendance économique reste forte. En toute logique, il faut à présent limiter le rôle de ces subventions, non pas pour diminuer le rôle des politiques culturelles mais pour favoriser une autonomie par la diversification des ressources et des compétences. Cela peut paraître complexe à mettre en place, mais nous avons de beaux exemples pour nous inspirer : le Hellfest est un modèle d’indépendance à la subvention : le festival s’autofinance quasiment à 100 % avec seulement 0,1 % de subventions publiques en 2018. Et si pour certains en sortir demande du temps, le festival de la Photographie d’Arles ou le festival Mawazine au Maroc, ont mis 10 ans pour réussir à sortir de la subvention, l’indépendance semble être la plus grande des satisfactions. Mawazine est lui aussi exemplaire dans sa capacité à avoir réduit la place des sponsors privés et être totalement sorti de la subvention publique en 2012.

Tendance #2 : L’ouverture

Un modèle économique repose sur différentes typologies de ressources : ressources propres (auto-financement, billetterie), financements privés (mécénat, sponsoring, dons de matériel ou encore levée de fonds) et subventions publiques. Pour faciliter la diversification des ressources, il faut acquérir un certain nombre de compétences qui offrent la possibilité de se diversifier. Car, à chaque ressource, ses acteurs, ses enjeux, ses codes et tendances.

Plusieurs pistes sont déjà mises en avant pour provoquer une transformation : la mise en réseau des acteurs, la coopération et la mutualisation des compétences ou encore l’ancrage territorial et l’animation de la communauté. À cela se combine donc la nécessaire diversification de l’offre. C’est elle qui participe pleinement à la transformation d’un festival qui est amené à quitter la mono activité. Diversifier son offre permet de générer de nouvelles ressources grâce à des produits annexes et complémentaires dont la création de nouveaux formats pour ainsi toucher des publics autres que le primo public.

L’équipe d’Art Farty a réussi son pari en créant des offres multiples et à différentes échelles : du très local au plus international, Arty Farty a exporté les Nuits Sonores à Tanger et Bruxelles et, s’ancre territorialement avec des lieux innovants tels que Le Sucre ou l’Hotel71. L’Electric Daisy Carnival lui s’exporte partout dans le monde : USA, Portugal, Porto Rico ou encore Royaume-Uni. Ces multiples implantations démontrent que la diversification facilite autant une ouverture sur le monde que le renouvellement des ressources. La diversification ouvre de nouveaux horizons sans négliger les liens avec les publics déjà conquis ou les partenaires déjà convaincus.

Tendance #3 : La conscience

Pour aller plus loin, il semble nécessaire aujourd’hui de construire des modèles économiques propres à chaque structure et de les mettre au service d’une vision et d’une raison d’être : l’avenir des événements culturels doit être pensé par une modélisation économique vertueuse et systémique qui va rendre tangible des univers artistiques et des valeurs. On note d’ailleurs une augmentation des positionnements en faveur de l’écologie, de l’amélioration du bien-être social, de l’inclusion de publics éloignés. Certains acteurs sensibilisent à ces questions fondamentales depuis longtemps comme l’équipe du Terraforma Festival qui s’installe chaque été dans la forêt de la Villa Arconati, à côté de Milan. Les équipes de We Love Green ou de Solidays œuvrent aussi sur le terrain pour transmettre les bons gestes. Et, le rapport de The Shift Project, « Décarbonons la culture », sorti en mai 2021 rappelle que tous les secteurs de la culture ont un rôle à jouer dans la sauvegarde de notre planète.

Mais bien souvent, la réalité du terrain fait que les chartes éthiques ne peuvent être réellement mises en pratiques : lenteur administrative, concurrence liée à la politique tarifaire et/ou au territoire, contreparties, etc, amènent bien souvent à faire des choix fragilisant la cohérence entre les valeurs et les moyens mis en œuvrent. C’est sans compter sur le difficile tri des déchets une fois un festival terminé.

Le festival de demain sera capable d’affirmer ses valeurs et sa raison d’œuvre à tous les niveaux. Pour cela, il sortira de l’éphémère et du transitoire et va étirer sa ligne du temps. Ce qui lui permettra de valoriser l’émergence des nouvelles formes et de nouveaux talents avec bienveillance et d’être en accord avec les enjeux de notre temps bien connus des publics. Ces publics seront sensibilisés et donc exigeants quant à la capacité des acteurs à mener des actions concrètes, engagées et citoyennes.

Il va falloir apprendre à faire cohabiter l’intransigeance environnementale avec le rêve et le plaisir, et c’est bien par la construction d’un modèle économique exigeant et conscient des impacts que cela pourra être fait.

Auteur

  • Aurélien Dubois
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